Violaine Huisman
Editeur : Gallimard Réserver ou commander
« Je comprenais sans comprendre que le monde avait changé, qu’après la guerre son père n’avait plus l’âge ou la force de se réinventer. Je comprenais sans comprendre que l’histoire était un rouleau compresseur au passage duquel la complexité du présent était fatalement aplanie, écrabouillée »
Ce qu’arrive à faire Violaine Huisman dans Les monuments de Paris est délicatement beau. En nous racontant les figures de son père et de son grand-père, Denis et Georges Huisman (le premier, philosophe et homme d’affaire, le deuxième, conseiller d’état, directeur général des Beaux-Arts), elle capte le temps pourtant insaisissable, l’oeuvre des hommes, et le lien sous toutes ses formes. Comment se composer, soi, comment composer avec le réel, le poids de l’histoire, comment composer un récit ? Puisqu’il y a tant à faire avec les archives, les souvenirs, les confessions, les photos. Et plus intimement, comment compose-t-on sa vie et ses souvenirs avec le manque et le chagrin (la perte de sa mère bi-polaire et suicidée) ou le trop plein (les parcours de son père et grand-père, la grande Histoire) ? Parfois sur une seule et même page, Violaine Huisman lie le présent, le passé, la narration, la réminiscence d’une parole, d’un accent, d’une exclamation, d’une exagération, d’une passion. Et avec cette manière si racée qu’elle a d’écrire l’élan et la flamboyance, puis l’instant d’après la perte et le chagrin. Chez elle, tout est infini, tout circule : le temps, les personnes, les dates, la mémoire. Chaque phrase semble dire le « à tout jamais » : à tout jamais dans l’histoire d’un pays, d’un coeur, d’un esprit, à tout jamais le poids d’une existence, à tout jamais la tristesse infinie d’avoir perdue une mère. Mais le « à tout jamais » se mêle au mouvement de ses phrases, à la fluidité d’un temps qui court du passé au présent et inversement. Il y a dans ces pages un constant débordement, l’Histoire déborde, les passions, les caractères, c’est toujours éclatant, toujours foudroyant.
Claire Deya
Editeur : L'observatoire Réserver ou commander
Un formidable roman qui nous fait découvrir un pan méconnu de l'histoire : les mois suivant la libération du Sud de la France et le dur retour à la vie civile pour les soldats, les résistants et les déportés. Claire Deya nous conte le destin de plusieurs personnages attachants qui se débattent avec leurs angoisses, leurs espoirs, leurs envies de vengeance. Il y a Vincent, échappé d'un camp de prisonniers en Allemagne et revenu en Provence pour y retrouver son grand amour, Ariane. Mais celle-ci a disparu. Vincent décide alors d'intégrer une équipe de démineurs chargés de nettoyer les plages. Il espère ainsi approcher les prisonniers allemands réquisitionnés pour cette tâche dangereuse et titanesque face aux millions d'engins explosifs placés par l'ennemi. Il souhaite en savoir plus sur ce qui s'est passé au QG des forces allemandes où il a appris que Marianne était parfois embauchée pour faire le service lors de réceptions. Lukas, allemand francophile invétéré, fait partie de ces prisonniers. Alors qu'il travaille aux côtés des français, il constate la montée du sentiment anti-allemand, la haine des civils pour ses concitoyens. Vincent croise aussi Fabien, qui a passé la guerre dans la résistance et se consacre aujourd'hui pleinement au déminage et cherche à apaiser les conflits plutôt qu'à raviver les tensions mais aussi Saskia, une jeune juive revenue des camps dont toute la famille a été décimée et qui revient dans sa ville natale pour constater que les biens de sa famille ont été spoliés et que surtout, tous aimerait qu'elle ne fasse pas d'histoires. Des vies bouleversantes, un contexte historique passionnant, une vraie réussite.
Alexandre Civico
Editeur : Actes Sud Réserver ou commander
« Les hommes de votre espèce avancent toujours avec le soleil dans le dos. Ils croient que cette ombre élancée qui s’étale à leurs pieds, c’est eux. Les hommes marchent dans un costume trop grand qu’ils pensent être à leur taille. Et les femmes marchent toute leur vie sous un soleil de midi, implacable, qui les punaise à leur place. »
Le roman d’Alexandre Civico raconte l’histoire de Dolores Leal Mayor qui, après les meurtres en série de plusieurs hommes, est arrêtée puis incarcérée. Dans le but d’éviter un procès qui entérinerait son statut d’icône - une brèche a été ouverte et d’autres femmes laissent parler leur fureur en commettant les mêmes actes - un psychiatre, Antoine Petit, tout en perdition et dégoût de lui-même et du monde, est chargé d’établir son profil psychologique afin de la déclarer irresponsable.
Quelle puissante lecture que ce texte noir, nerveux, poétique et désenchanté. Parce qu’il interroge constamment la substance des luttes et des mensonges, la radicalité des actes, de nos déperditions, Alexandre Civico livre un splendide et surprenant roman, qui va bien au-delà de ce qu’on attend de lui, parce qu'il est politique, très subtil dans sa façon d’interroger, sous les latitudes de ses phrases rudes et poétiques, la domination, la stupeur, les luttes et les fureurs, l’égo devant les révolutions. Dans ce livre, les personnages ont une matière folle, d’abord, les corps, la peau, le sang qui afflue, les membres qui se raidissent dans le plaisir ou la mort, les corps hiver qui deviennent, durant quelques secondes, printemps, les ventres qu’on viole, qu’on perce, qu’on vide. L’esprit ensuite, tout à tour, cynique, menteur, dominant, dégoûté, manipulateur. Dolorès ou le ventre des chiens parle de notre société, de son rapport aux femmes, du rapport des femmes à la révolte, à ce qui surgit dans l’incompréhension et reste incompris, à ce qui se vit dans la manipulation ou les excès.
Éperdument amer, éperdument désenchanté, Dolores ou le ventre des chiens atteint dans la constante de son questionnement et de sa stupeur une profonde et fiévreuse beauté.
Sigrídur Hagalín Björnsdóttir
Traduit de l'islandais par Eric Boury
Editeur : Gaïa Réserver ou commander
"Lhistoire humaine passe beaucoup plus vite que l'histoire géologique et nous avons la mémoire courte."
Anna est une volcanologue de renom. Comme son père avant elle, elle a tout le respect de ses pairs. Alors, lorsque des tremblements de terre secouent la péninsule de Reykjanes et y réveillent des volcans endormis, il est normal qu'elle fasse partie des experts. Là, elle se heurte à la bêtise politico-économique, au cirque médiatique et à une déflagration impossible à anticiper, une passion pour le photographe Tómas Adler.
Dans ce récit grinçant, Sigrídur Hagalín Björnsdóttir arrive à nous fasciner avec un suspense scientifique bien loin de notre réalité de continentaux. Elle dresse aussi le portrait d'une femme qui, en interrogeant son rapport aux autres, nous oblige à (re)penser notre place dans la société et nos priorités. "Éruptions, amour et autres cataclysmes" est un roman déconcertant et quotidien qui vous donnera envie d'apprendre l'islandais et de devenir volcanologue.