Chantal Creusot
Zulma, 390 pages, 22€
De la Grande Guerre jusqu'aux années cinquante en passant par l'Occupation, on suit le destin de quelques familles bourgeoises d'une petite ville du Cotentin, les Vuillard, les Lamaury, les Laribière, ...Ils sont juges, médecins ou encore avocats. Ils se fréquentent , se réunissent, se marient, se jugent, s'envient, se rebellent, se désirent, se trahissent. Toutes les passions, désillusions, hypocrisies humaines y sont disséquées, d'une écriture dont le cynisme le cède à la délicatesse.
Chantal Creusot brosse un magnifique portrait de la vie en province, dans une composition remarquable, désenchantée, nostalgique, vibrante.
Marta Morazzoni. Trad. de l'italien.
Actes Sud, 300 pages, 22.50 €
Milan au XVIIIème siècle. Paola Pietra, jeune aristocrate, est enfermée contre son gré dans un couvent dès l'âge de treize ans. Soeur Rosalba, une religieuse mélomane et maitresse de chant, décèle en elle une magnifique voix de contralto, profonde et puissante, qui attire rapidement les foules venues l'écouter aux offices.. Et c'est cette voix d'or qui séduira un diplomate anglais, assistant à l'office de l'autre côté des grilles. Suite à un infime contact pendant un malaise de la jeune fille où John Breval entrevoit sa cheville, Paola s'éveille à d'autres sensations et découvrira un autre monde, et sa liberté.
Un très beau roman où, comme dans le chant, les voix alternent et se répondent. Marta Morazzoni, de sa plume élégante et sensuelle, pose la question du choix, sentimental, politique et religieux. C'est à la fois profond et romanesque.
E.L. Doctorow. Trad. de l'anglais.
Actes Sud, 229 pages, 22 €
Inspiré de personnages réels, ce roman retrace le parcours de deux frères issus d'une famile bourgeoise respectable, Homer et Langley Collyer. Cultivés, artistes et surtout excentriques, ils ont après la mort de leurs parents continué à occuper la grande demeure familiale en s'enfermant de plus en plus dans leurs lubies. Langley, revenu traumatisé de la Grande Guerre, s'adonne à sa passion des collections en tous genres, lesquelles bientôt envahissent la maison jusqu'au plafond. Quant à Homer, pianiste de talent, passionné de musique classique, devenu aveugle à 20 ans, narrateur de cette histoire, il épouse les délires de son aîné. Leur refus du monde se fera de plus en plus virulent : tous volets fermés, ils réduisent peu à peu leur contact avec cette société si décevante jusqu'à ne plus vouloir se raccorder à l'eau et l'électricité.
Bien sûr, ils sont fous mais, en voyant le monde de leur point de vue, en pénétrant dans leur système de pensée, ils deviennent terriblement attachants. Derrière leur loufoquerie, c'est une grande humanité qui se dévoile.
Mick Jackson. Trad. de l'anglais
Bourgois, 272 p., 15 €
La narratrice, une femme d'une soixantaine d'années, a perdu son mari soudainement. Assaillie de témoignages de sympathie dont elle n'a que faire, elle décide sur une impulsion subite de fuir sa maison londonienne. Elle atterrit dans un petit village du Norfolk où elle loue une maison de pêcheur, pour un temps indéterminé, où elle vit recluse, rédige son journal intime, fait de longues balades sur la côte et boit de plus en plus. Maintenant qu'elle n'est plus la femme de quelqu'un, elle doit apprendre à découvrir sa vraie personnalité, et ses réflexions, bien loin de la noirceur ou de l'auto-apitoiement, sont surprenantes car elles s'écartent complètement des idées reçues quant à la conduite qu'il est convenu d'adopter en période de deuil. Cette femme, bien qu'ayant perdu ses repères et à la limite de perdre pied, manifeste en même temps une grande lucidité, se libère des convenances et du qu'en-dira-t'on. Au fil de son journal, on découvre aussi les dessous de son mariage, loin d'être parfait, source de frustrations et de secrets. "Un personnage féminin complexe, résigné et rebelle, sombre et drôle".