Marcel Theroux. Trad. de l'anglais
Plon, 240 pages, 23.70 €
Eric Reinhart
Stock, 522 pages, 25.25 €
David est maître d'oeuvre sur le chantier de la plus haute tour de France. Victoria est directrice des ressources humaines d'une multinationale basée à Londres. Ils se rencontrent et vont vivre une passion amoureuse qu'on sait dès le début destructrice. Il s'agit pour l'un et pour l'autre d'adultère, d'une liaison fortement érotique mais aussi épistolaire : Victoria tient un journal intime dont elle envoie des extraits à David par mail sous l'intitulé "compte-rendu de réunion". Elle est une figure de l'ultralibéralisme : elle gagne énormément d'argent, passe sa vie entre deux avions, prend l'Eurostar pour passer une heure de temps avec David dans un hôtel parisien. Elle n'a aucun scrupule à tromper totalement les syndicats de la multinationale en disant blanc un jour et noir le lendemain, laissant aisément de côté les conséquences humaines des décisions prises d'en haut. David, lui, est plutôt un idéaliste de gauche, rongé par les remords. Fasciné, irrémédiablement attiré, David succombe à son désir et aux fantasmes les plus fous de Victoria, mais jamais l'âme en paix. Roman d'aujourd'hui, Le système Victoria est subtilement construit, de retours en arrière en bonds en avant. Puissant roman d'amour, résolument érotique, il est aussi éminemment politique, Eric Reinhardt y défendant, au final, la position du faible.
Philip Roth. Trad. de l'américain.
Gallimard, 121 pages, 13.90 €
Le dernier roman de Philip Roth, Le rabaissement, se joue en trois actes, la chute, la renaissance, l'effondrement de Simon Axler, comédien de renom, arrivé à soixante ans passés au fait de son talent, de sa gloire et de sa vie. Quand l'inspiration le quitte, Simon sombre. De dépression en hôpital psychiatrique, il finit par s'isoler à la campagne, résigné et renonçant à tout engagement. Mais c'est sans compter sur la vie et ses sursauts dont, dans un dernier espoir, on se fait volontiers dupe. Débarque en effet chez Simon, Peggen, de vingt-cinq ans sa cadette, fille d'amis de jeunesse et surtout lesbienne. L'idylle aussi surprenante qu'inattendue réveille notre héros, l'encourage lui, l'acteur en fin de course, à endosser le rôle de Pygmalion de l'hétérosexualité, au point d'ouvrir un avenir là où Simon ne voyait plus d'horizon. Hélas, sans préambule, comme elle était arrivée, Peggen s'en va. Humilié, effondré, on voit alors Simon choisir sa dernière scène.
Un roman aussi drôle que tragique où dérison et désolation s'épousent dans un baiser au goût acide.
Mario Vargas LLosa. Trad. de l'espagnol
Gallimard, 520 pages, 22.90 €
Le "Celte", c'est le surnom donné par ses amis à Roger Casement (1864-1916), grande figure de l'histoire de l'Angleterre, porté aux nues pour ses travaux anticolonialistes puis tombé en disgrâce lorsqu'il prend la tête des Irlandais séparatistes. Le roman débute en 1916, alors que Casement est en prison. Condamné à mort pour trahison par un tribunal anglais, il attend son exécution, à l'isolement. Son crime, avoir pactisé avec l'ennemi allemand pour que celui-ci soutienne et arme une révolte en Irlande. Personne ne lui pardonne ce lien avec l'Allemagne alors que des milliers de soldats anglais meurent dans les tranchées. Abandonné par ses anciens amis, humilié par les gardiens de la prison, calomnié par les journaux, Casement n'est plus qu'un paria dont il ne faut plus évoquer le nom.