Anders Lustgarten
Traduit de l'anglais par Claro
Editeur : Actes Sud Réserver ou commander
"Pas évident d'imaginer un road-movie dans un pays qui se traverse en quatre heures seulement selon la circulation, mais elle ne s'est jamais sentie aussi Thelma et Louise de sa vie. Sauf qu'ils sont trois à bord, et que l'un d'eux est mort."
Elle, c'est Cherry, infirmière en deuil et colère bien décidée à rendre le corps d'Omar à sa petite amie. Le mort, c'est donc Omar dont on découvrira le parcours à rebours. Ce jeune migrant est décédé à cause d'un policier faussement patriote, vraiment raciste, lors d'une opération illicite. Enfin, Jakubiak, le troisième est un flic sans envergure et en mal de reconnaissance. Témoin (plus ou moins) malgré lui du meurtre, il se retrouve menotté à la victime...
Ce roman choral (nous vous laissons découvrir d'autres personnages tout aussi bien croqués) de Anders Lustgarten est autant une comédie qu'une chronique sociale. L'auteur anglais dépeint la société d'Outre-Manche (et européenne) avec acuité sans rien lui pardonner. "Trois enterrements" est féroce, intelligent, jubilatoire et surtout plein d'humanité.
Emmanuel Carrère
Editeur : POL Réserver ou commander
"Kolkhoze" d'Emmanuel Carrère fait à juste titre l'événement : il y fait le portrait, terrible et aimant, de sa mère, l'académicienne Hélène Carrère d'Encausse, dont les origines familiales - des aristocrates déchus suite à la révolution russe du côté maternel, des Géorgiens fuyant les bolcheviks du côté de son père - constituent un matériau d'une richesse incroyable et l'occasion de réflexions passionnantes sur la Russie, l'Ukraine d'aujourd'hui,... Mêlant l'intime et l'universel, Carrère réussit un livre sincère, sans complaisance, d'une clarté exceptionnelle, sur la figure maternelle et le monde actuel...
Laura Vazquez
Editeur : Sous-sol Réserver ou commander
Parce qu’elle traîne trop à l’intérieur d’elle-même, que sa docilité aux opinions et aux normes risque de la faire disparaître, une fille décide de rencontrer le monde et de chercher la vie. Elle part loin de tout ce qui l’a sculptée et conditionnée. Il y aura dans ce voyage différents lieux et rencontres. Un bar lesbien, une maison, un immeuble, une montagne. Les souvenirs de deux parents bien trop obéissants, une fille aux yeux noirs, une vieille femme obèse ultra-directe ou des êtres sous influence. Il y aura sur sa route, des visages, des mains, des pensées. Au fil des pages, la narratrice devient une force qui renonce. Elle brûle ses papiers, s’approche des bords, des marges et des morts pour mieux se percevoir.
On ne sait jamais où nous emmène un livre, surtout quand celui-ci nous donne le vertige dès les premières pages. Mais Les forces se livre à nous, et donne beaucoup : de la théorie, de la rhétorique, de la politique, le cœur d’un secret, une structure, une langue, une sonorité (et la richesse d’une ponctuation). Tout semble là, inépuisable. La narratrice mène une odyssée et le lecteur avec elle. Les forces est un roman qui se réagence sans fin, c’est un ciel grand ouvert qui ne manque pas d’interroger, de mettre le lecteur en éveil. Puisqu’il s’agit de défaire les représentations qui nous imposent un impensé. Et le rire s’invite, dévale certaines pages de manière totalement jubilatoire (on y apprend tout de même que Simone Weber, la tueuse à la meuleuse à béton, est moins éloignée de Simone Weil que de Simone de Beauvoir). Tout s’imbrique, il y a le bonheur de l’intertextualité, les citations se fondent dans le roman, et agissent. Parce que le texte est une matière, « un mystère qui se s’épuise pas » dans lequel chacun peut puiser. Il y a une colère (les pages consacrées au discours de l’assistant social dans la Maison des Morts, sont magistrales) mais sans jamais l’esprit de sérieux. Les Forces, constamment, travaille et nuance les dimensions de notre lecture, il s’ouvre à nous depuis la terre, sans ascendance, grâce à sa prose suractive, tout en densité et en intensité imaginative et réflexive.
Javier Cercas
Traduit de l'espagnol par Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon
Editeur : Actes Sud Réserver ou commander
Javier Cercas, l'auteur espagnol ("Terra Alta", "Les soldats de Salamine", chroniqueur pour "El país" et athée proclamé, a été choisi pour accompagner le pape François lors de son voyage en Mongolie. Le Vatican ne peut lui garantir un entretien avec le souverain pontife mais lui offre carte blanche pour la forme et le contenu du livre. Dommage car Javier, fou sans Dieu, a une question pour sa maman souffrant d'Alzheimer : reverra-t-elle son époux à sa mort ? Cette question, seul le fou de Dieu Bergoglio peut y répondre. Javier hésite mais l'occasion est trop belle, il décide d'accompagner ce voyage au bout du monde, encouragé par ses interlocuteurs vaticanais : François l'imprévisible pourrait être touché par sa requête.
"Le fou de Dieu au bout du monde" n'est pas un roman. ce n'est pas non plus la biographie du pape François, ni l’autobiographie de Javier Cercas, ni un récit de voyage, ni un essai spirituel et pourtant c'est un peu tout ça à la fois. Un texte inspirant, nuancé, plein de malice et de subtilité qui nous interroge et nous donne envie d'écouter le monde (et peut-être aussi de visiter la Mongolie).


