Michelle Gallen
Traduit de l'anglais (irl) par Carine Chichereau
Editeur : Joëlle Losfeld Réserver ou commander
Majella vit avec sa mère alcoolique à Aghyboghey, petite ville sinistrée d'Irlande du Nord. Elle travaille pour le bien nommé Fish and Chips "Salé ! Pané ! Frit ! ", sert les mêmes clients perdus, regarde "Dallas" et n'est pas sociable. Son oncle a été tué alors qu'il fabriquait une bombe pour le compte de l'IRA. Son père a mystérieusement disparu. La jeune fille de 28 ans a besoin d'une vie structurée et, obstinée, Majella s'y attelle quotidiennement. Son seul rêve est de s'acheter une couette bien épaisse. Lorsque sa grand-mère décède, une prise de conscience bien souterraine va s'opérer en elle...
Quel merveilleux personnage que Majella, forte dans tous les sens du terme, extraordinaire dès les premières lignes, dans ses résignations, ses excès, son argot, son amour de la répétition, son spectre autistique, son gros corps, ses frites et son coca qu'elle ingère chaque soir. L'autrice a cet art de nous présenter des personnages bardés de défauts et de nous les faire aimer immédiatement. Majella est une héroïne compliquée et nuancée, que la plume de Michelle Gallen aime passionnément.
C'est un roman qui sent la bière, les frites au vinaigre, les corps trop gros, les chutes dans l'escalier, la solitude ou la pauvreté et pourtant quelle énergie, quelle drôlerie. Michelle Gallen ne renonce pas à parler de violence et de déchirure (on est loin du roman rose bonbon et girly). C'est une écriture éclatante, pleine d'argot et le travail de la traductrice Carine Chichereau est extraordinaire.
Un roman doté d'un sacré caractère irlandais !
Natasha Brown
Traduit de l'anglais par Jakuta Alikavazovic
Editeur : Grasset Réserver ou commander

Court roman, grand éblouissement tant ce roman est politique et littéraire !
Telle une Alice à la peau noire, la narratrice d’Assemblage, dans un monologue fragmenté et vertigineux, fait l’expérience de la dissociation pour examiner sa vie et le monde dans lequel elle a grandi, monde pour lequel elle s’est tue et a baissé les yeux. Elle nous raconte les mots, les gestes, les puanteurs, ses propres acquiescements , tous révélateurs d’une société et d’un système racistes et colonialistes.
Le premier roman de Natasha Brown est radical, aigu, intelligent. Chaque mot compte, l'autrice développe un particulier tout un lexique sur l'artificialité stupéfiant : elle y parle de forme, de caricature, de composition, de parodie, de docilité, de capital social, et sur chacune des pages de ce court roman, c’est subtil et brillant. Les phrases deviennent des vagues d’écume et de colère, froides, aigües qui obligent à s’interroger.
« Je ne sais pas vraiment pourquoi je fais certaines choses, parfois. Pourquoi est-ce que je m’excuse ? Ou que je dis ça va, merci. Et vous ? Pourquoi est-ce que je m’éloigne de la bordure du quai ? Ces questions ne sont ni sophistiquées ni intelligentes. Et pourtant, il m’arrive d’être incapable d’y répondre. Je n’arrive pas à me rappeler la bonne réponse. »
Olivier Rohe
Editeur : Allia Réserver ou commander

Pauline Peyrade
Editeur : Minuit Réserver ou commander
La rentrée littéraire, c'est aussi la joie de découvrir des premiers romans comme celui de Pauline Peyrade publié aux éditions de Minuit. Intitulé L'âge de détruire, ce texte raconte l'histoire de la jeune Elsa dont l'enfance se place sous l'emprise d'une mère abusive. C'est un texte foudroyant et rude sur la destruction et l'inexorabilité d'une violence tyrannique, l'histoire d'une mère qui refuse que sa fille grandisse et se construise.
Un roman profondément intense.
J’entends ma mère qui entre dans la chambre. Ses pas sont lents. Elle marche sur la pointe des pieds. Elle effleure les barreaux de l’échelle, suit le bord de la couchette du haut jusqu’au milieu du matelas. Je me terre dans l’angle. Elle grimpe sur le rebord du lit, plie son coude autour de la barrière, elle se tient, le corps tendu dans le vide. Je sens ses yeux, ils scrutent les reliefs à travers le garde-corps ajouré. Elle tâte la couette à ma recherche. Quand elle me trouve, ses doigts se referment, ils tentent d’identifier leur prise. Une masse de cheveux, une fesse, un talon. Sa main s’arrête sur mon épaule. Elle reste là, sans bouger.