Paul Auster, traduit de l'anglais
Actes sud, 1017 pages, 28€
Le nouveau roman de Paul Auster est un immense pavé qui peut sembler effrayant, pourtant on se laisse embarquer avec plaisir et on lit jusqu'à la dernière ligne les 1017 pages de 4321. L'auteur y fait preuve d'une véritable prouesse littéraire en menant de front quatre histoires qui en réalité n'en sont qu'une. C'est la vie de Ferguson, petit-fils d'un immigré russe débarqué à Ellis Island en 1900, que nous raconte Paul Auster. Mais quelle vie ? Car le destin d'une personne peut parfois se jouer sur de petits détails, prendre un chemin inattendu suite à des choix personnels ou professionnels, être perturbé par les événements historiques contemporains. Ainsi, l'auteur propose quatre vies, quatre parcours possibles pour le jeune Fergusson et sa famille. Quatre destinées profondément différentes et marquées par le contexte historique dans lequel elles se déroulent, à New York, sur fond de guerre du Vietnam, d'émeutes raciales, de révoltes de la jeunesse, mais où le jeune garçon tentera toujours de développer sa propre personnalité marquée par un intérêt profond pour la littérature et le cinéma. Ainsi, ces quatres histoires sont très différentes, mais le jeune héros y conserve sa singularité. Du très grand Paul Auster.
Grasset, 332 pages, 22€85

Héritières, Trio pour un monde égaré, La femme au colt 45 de Marie Redonet aux éditions du Tripode.
Trois superbes romans de Marie Redonet, tous publiés au Tripode à ne manquer sous aucun prétexte!
Héritières n'est autre qu'une réédition de trois textes de Marie Redonnet publiés séparément et initialement aux éditions de Minuit : Splendid Hotel, Forever Valley, Rose Mélie Rose. Trilogie formidable où se déploie dans une langue à la fois simple et juste le destin de trois jeunes femmes vivant dans des mondes qui partent à vau l'eau. La première tient le Splendid Hôtel, légué par sa grand-mère, construit au bord d'un marais virulent. Le Splendid Hôtel est déjà délabré, attaqué, miné. Harcelée par ses deux sœurs parasites, Ada et Adel, la narratrice laborieuse s'y dévoue ainsi qu'aux malheureux clients. La deuxième vit seule avec le père dans l'ancien presbytère de la Forever Valley désertée. Le père, qui voit la paralysie le gagner, confie l'adolescente à Massi, la patronne du dancing voisin. Massi lui apprend à se conduire comme il faut avec les clients. Le reste de la semaine, la jeune fille le consacre à des fouilles dans le jardin du presbytère, pour y chercher des morts. La troisième s'appelle Mélie. Elle a été abandonnée à sa naissance dans la grotte aux fées et recueillie par une femme âgée Rose. Rose meurt le jour où Mélie a douze ans et ses premières règles. Alors Mélie part pour la ville de Oat. Tout le monde quitte peu à peu la ville pour le continent. Mélie vit au 7 rue des Charmes entourée de quelques vieux qui ont décidé de rester à Oat. Elle va aux goûters dansants du Continental le dimanche, sa seule distraction, puis découvre la plage aux Mouettes. Elle a toujours avec elle son polaroïd.
Tandis que la violence se fait latente à chaque page, se révèle la beauté de ces trois êtres qui ne renoncent jamais.
Dans Trio pour un monde égaré, les pays sont en guerre, latente ou déclarée, la liberté n'est plus de mise, il s'agit de se cacher, de s'effacer jusqu'au jour où l'on décide de résister, de redevenir soi-même à nos risques et périls. Willy Chow est un ancien rebelle qui tente d’oublier un passé trouble, mais la guerre fait à nouveau rage à la frontière et menace la paix de son domaine. Le scientifique Douglas Marenko n’est pas Douglas Marenko. Emprisonné dans une cellule après avoir tenté de fuir son pays, on voudrait lui faire endosser une nouvelle identité. Il résiste jusqu’à ce que ses geoliers lui présentent celle qui se dit être sa femme et qu’il sait avoir connue. Tate Combo a quitté son pays et vit désormais dans une mégapole. Un photographe en vogue a décidé d’en faire, à force d’opérations chirurgicales, l’incarnation d’une déesse blanche qu’il vénère. Le jour où elle décide de stopper cette métamorphose imposée, des avions s’écrasent sur les tours de la ville.
Marie Redonnet offre ici un récit haletant et magistralement orchestré sur les menaces, intérieures et extérieures, qui visent nos libertés.
Dans La femme au colt 45, Lora Sander fuit son pays tombé sous le joug d'une dictature. Sa vie de comédienne n'est plus possible. Munie de son colt 45 elle s'exile laissant derrière elle mari et fils.
Récit intimiste, La femme au colt 45 est aussi un texte éminemment politique.
Karl Ove Knausgaard, trad. du norvégien
Denoël, 658 pages, 24€50
À quoi bon se plonger dans l’œuvre de quelqu'un racontant de A à Z son existence banale? Pour changer d'avis, lisez Mon combat, la géniale entreprise littéraire de Knausgaard : il livre tout, sans tabou, dans une langue brute et tellement juste. Mon combat compte à ce jour quatre tomes : La mort d'un père, Un homme amoureux, Jeune homme et Aux confins du monde. Ces quatre tomes se lisent indépendamment et ne suivent pas une chronologie précise. La figure du père hante toute l'oeuvre de Knausgaard qui, victime d'un père autoritaire et hyper contrôlant, tentera tout au cours de sa vie de lui échapper.
Dans Aux confins du monde, il nous raconte l'année de ses dix-huit ans. Il vient de finir le lycée et se retrouve enseignant dans une petite bourgade portuaire à l'extrême Nord de la Norvège. Le garçon boit beaucoup tout en se nourrissant de littérature et de musique. Pour se réchauffer mais aussi pour oublier ses frustrations: son obsession pour les (trop) jeunes filles, son désir de voyage, ses pulsions d'écrivain.
Au-delà de l'autoportrait sans concessions, l'auteur livre une peinture saisissante de la société scandinave des années 1980. Se raconter, c'est aussi saisir tout ce qui nous entoure.