Nicolas Richard
Editeur : Inculte Réserver ou commander
"Avec le temps, certains souvenirs se précisent, leurs contours deviennent plus nets et ils gagnent en vivacité, même s’il sont le reflet de choses qui ne sont jamais produites."
Au départ, il y a deux femmes, Emma et Marie, qui ne se connaissent pas, mais qui sont reliées à un homme. Il y aura une troisième femme, tout à tour enfant ou octagénaire selon l’entrelacs des chapitres. Jeanne est la narratrice, ambiguë et mystérieuse, de ce livre. Il y a aussi trois maris. Des morts, peut-être même des assassinats. Une mère qui n’arrive pas à être mère, une femme qui arrive seulement à être veuve. Un peu de drogue, un peu de psychanalyse. Un décor de cabaret. Des chevaux, l’Amérique du Sud, L’Afrique. La France. La guerre.
"La chanteuse aux trois maris" joue sur les faux semblant. Le roman, d’ailleurs, est-il ce qu’il semble être ? Une enquête ? Un roman familial ? Une livre basé sur le socle de l’illusion ? Ou un grand vertige de fiction ? Il enchevêtre les souvenirs aux hypothèses. Tout cela d’ailleurs n’est-il pas la même chose ? Le voyage, l’invention, le mensonge. Les souvenirs. Car au bout du compte, il y a une matière, un peu magique pour se composer une mémoire, résoudre un mystère ou écrire un roman.
Nicolas Richard a écrit ici un texte très jubilatoire. Il est à la fois très romanesque mais ne se prive pas de réflexions sur le pouvoir du récit, du mensonge, de l’illusion. Un vrai roman, en somme !
Sophie Van der Linden
Editeur : Denoël Réserver ou commander
C’est l’histoire d’une femme qui se laisse entièrement submergée par le ciel, les étendues d’étoiles, l’immensité et par sa solitude aussi, qu’elle recherche, interroge, et laisse couler en elle. Sophie Van Der Linden réussit superbement le portrait d’une femme et d’une nature indociles. Cette indocilité nourrit le texte : Anna Boberg résiste à son milieu, à son époque, au froid, tout comme le paysage se montre profondément indocile à toute représentation hâtive. C’est dans la patience, le guet, l’attente, que les deux, la femme et ce territoire inouï, rentreront en osmose. Arctique solaire est l’histoire d’une femme qui choisit l’intranquillité, qui se confronte à l’abrupte, qui refuse la soumission sauf quand elle provient de la nature ou d’une nuance qu’on ne trouve pas, ou encore d’un moment de captation qu’on a raté. Sophie Van Der Linden parle d’intranquillité picturale, de cette non évidence du moment qui ne se choisit pas mais qui se révèle. La relation qu’elle entretient avec son mari (qui encourage l’éloignement, qui est dévoué, confiant) est aussi très belle, loin des canons habituels.
Pierre Corbucci
Editeur : Paulsen Réserver ou commander
Ce passionnant roman de Pierre Corbucci nous plonge au coeur de l'Amérique latine des années 20. Aristoteles Sarr est un jeune lieutenant au parcours académique sans faute. Il est désigné pour mener un chantier capital en pleine forêt amazonienne : l'aménagement d'une piste d'atterrissage qui pourra accueillir de petits avions destinés à cartographier la zone en vue d'y faire passer le chemin de fer. Très à cheval sur l'ordre militaire, le respect de la hiérarchie et persuadé du bien fondé de sa mission, Aristoteles arrive à La Huanca, domaine forestier exploité par l'énigmatique Casar, à la fois sénateur et homme d'affaires. Mais très vite la forêt devient un obstacle bien plus complexe que le jeune lieutenant ne l'avait imaginé : flore luxuriante, faune hostile, habitants mystérieux, le tout dominé par des dieux très puissants. Autour de La Huanca les disparitions se succèdent et lorsque le fils aîné de Casar est retrouvé mort, la peur s'installe sur le domaine. Un roman d'aventures et de suspense au coeur d'une nature fascinante.
Violaine Huisman
Editeur : Gallimard Réserver ou commander
« Je comprenais sans comprendre que le monde avait changé, qu’après la guerre son père n’avait plus l’âge ou la force de se réinventer. Je comprenais sans comprendre que l’histoire était un rouleau compresseur au passage duquel la complexité du présent était fatalement aplanie, écrabouillée »
Ce qu’arrive à faire Violaine Huisman dans Les monuments de Paris est délicatement beau. En nous racontant les figures de son père et de son grand-père, Denis et Georges Huisman (le premier, philosophe et homme d’affaire, le deuxième, conseiller d’état, directeur général des Beaux-Arts), elle capte le temps pourtant insaisissable, l’oeuvre des hommes, et le lien sous toutes ses formes. Comment se composer, soi, comment composer avec le réel, le poids de l’histoire, comment composer un récit ? Puisqu’il y a tant à faire avec les archives, les souvenirs, les confessions, les photos. Et plus intimement, comment compose-t-on sa vie et ses souvenirs avec le manque et le chagrin (la perte de sa mère bi-polaire et suicidée) ou le trop plein (les parcours de son père et grand-père, la grande Histoire) ? Parfois sur une seule et même page, Violaine Huisman lie le présent, le passé, la narration, la réminiscence d’une parole, d’un accent, d’une exclamation, d’une exagération, d’une passion. Et avec cette manière si racée qu’elle a d’écrire l’élan et la flamboyance, puis l’instant d’après la perte et le chagrin. Chez elle, tout est infini, tout circule : le temps, les personnes, les dates, la mémoire. Chaque phrase semble dire le « à tout jamais » : à tout jamais dans l’histoire d’un pays, d’un coeur, d’un esprit, à tout jamais le poids d’une existence, à tout jamais la tristesse infinie d’avoir perdue une mère. Mais le « à tout jamais » se mêle au mouvement de ses phrases, à la fluidité d’un temps qui court du passé au présent et inversement. Il y a dans ces pages un constant débordement, l’Histoire déborde, les passions, les caractères, c’est toujours éclatant, toujours foudroyant.