Pierre Assouline
Gallimard, 290 p., 20€
Louis Lambert est professeur de français dans un lycée parisien. Il est aussi feru de littérature anglaise et surtout de Rudyard Kipling. Le célébre poème If du romancier anglais qui s'achève pas ces mots "Tu seras un homme, mon fils" l'obsède. Il rêve d'en faire la traduction la plus juste. Lors d'un séjour dans le Sud de la France il loge dans le même hôtel que son illustre idole. Les deux hommes font connaissance et Kilpling propose à Louis de donner des cours de français à son fils, John. Lorsque débute la Première Guerre Mondiale, John Kipling n'a qu'une idée en tête, s'engager, malgré une myopie sévère à cause de laquelle il a été réformé. Il souhaite ainsi faire la fierté de son père. Après quelques mois dans les tranchers, John est victime d'un tir d'obus. Son corps ne sera jamais retrouvé. La perte de son fils, l'impossibilité d'un deuil sans tombe, vont profondément affecter Rudyard. Avec en toile de fonds le poème et la destinée de son fils, Pierre Assouline dresse le portrait de l'auteur du Livre de la Jungle.
Caroline Valentiny
Albin Michel, 17€65, 185 p.
Alexis, 20 ans, vient de mourir. Enterré dans un petit cimetière de campagne, il perçoit encore un petit peu des palpitations du monde autour de lui : le bruissement de la nature, le pas des visiteurs, surtout celui de sa petite soeur qui vient lui parler en cachette. De cet entre-deux étrange, il nous fait entendre sa voix : que fait-il là?, il ne s'en souvient plus. Dans le même temps, sa mère cherche à comprendre : pourquoi son fils, certes très sensible mais si plein de vie, a-t-il apparemment mis fin à ses jours?
Un premier roman exceptionnel qui explore avec infiniment de sensibilité, d'une plume sensorielle et aérienne, la zone brumeuse entre la vie et la mort, et le mystère d'une existence.
Richard Flanagan,
trad. de l'anglais par Delphine Chevalier. Babel (Actes Sud), 432 pages, 9€70
Début des années 1950. Bojan et son épouse ont fuit la Slovénie pour démarrer une nouvelle vie en Tasmanie. Installés avec leur fille de 3 ans dans un camp de baraquements aux abords d'un chantier de construction, ils mènent une vie de misère dans le froid, la pluie et la précarité. Un soir, la jeune femme quitte la cabane et disparait dans la nuit. Bojan ne parvient pas à surmonter le départ de son épouse et sombre dans l'alcool et le repli sur soi. Elevée dans un climat de violence et de peur, la jeune Sonja, devenue majeure, quitte le campement et rompt les liens avec son père. Des années plus tard, enceinte, Sonja retourne en Tasmanie dans l'espoir de comprendre pourquoi sa mère les a abandonnés. Elle retrouve Bojan, toujours aussi solitaire. Un roman dur, âpre mais magnifique sur les liens qui unissent un père et sa fille.
Pour un cadeau ou pour se faire plaisir, une sélection de romans à ne pas manquer en cette fin d'année!
Je ne reverrai plus le monde, Ahmet Altan, trad. du turc (Actes Sud) : "En plus d'être un livre de résistance exemplaire et la preuve que rien n'entrave durablement les esprits libres, ce texte est une magnifique ode aux pouvoirs de la littérature". Soutenez Ahmet Altan, toujours en prison actuellement.
Opus 77, Philippe Ragougneau (Viviane Hamy) : Pourquoi Ariane, brillante pianiste, choisit-elle d'interpréter l'Opus 77 de Chostakovitch à l'enterrement de son père, ce chef d'orchestre réputé? Pour quelle raison son frère n'est-il pas présent à cette cérémonie? Que s'est-il passé à la finale du concours Reine Elisabeth de violon, où ce dernier avait subjugué le public par son génie? Avec une tension digne d'un roman policier, Opus 77 nous plonge dans les secrets et les non-dits d'une famille qui a la musique dans le sang. Un roman virtuose.
Agathe, Anne Cathrine Bomann, trad. du danois (La peuplade) : Un psychanalyste, 72 ans, proche de la retraite, peine à trouver encore de l'intérêt à ses dernières consultations. A son insu, sa secrétaire inscrit à son agenda une dernière nouvelle patiente, Agathe. Contre toute attente, ces deux êtres qui ne trouvent pas vraiment de sens à leur existence, se réveillent mutuellement. Un roman intelligent et délicat, qui agit par petites touches.
Un été à l'Islette, Geraldine Jeffroy (Arléa) : Un petit récit très joliment écrit qui met en scène Camille Claudel et Auguste Rodin en villégiature au château de l'Islette lors de l'été 1892. Leur histoire tourmentée nous est contée du point de vue de la jeune préceptrice résidant au chateau. Son existence s'en trouvera bouleversée.
Un très beau moment de lecture, pour une histoire qui mêle habilement faits historiques et imagination.
Tous tes enfants dispersés, Beata Umubyeyi Mairesse (Autrement) : Blanche, Rwandaise ayant fui son pays en 1994, a construit sa vie en France. Après quelques années, elle retourne au Rwanda voir sa mère. Roman de retrouvailles familiales, des cicatrices difficiles à effacer, de l'éloignement, de la mémoire et l'oubli, ode à la persévérance et à la force de vie, Tous tes enfants dispersés est un des livres les plus forts et bouleversants de la saison.
Le dernier amour de Baba Dounia, Alina Bronsky, trad. de l'allemand (Actes Sud) : Baba Dounia, vieille femme qui entend bien ne rien devoir à personne (et en contrepartie que personne ne se mêle de lui dire ce qu'elle doit faire) décide de retourner s'installer dans le village où longtemps elle a habité : dans la zone interdite autour de Tchernobyl. Ils sont là quelques-uns à survivre dans de drôles de conditions. Les laissera-t-on en paix? Quel plaisir de rencontrer cette Baba Dounia, personnage extraordinaire, coriace, haute en couleurs mais pleine de sagesse et de dignité.
Murène, Valentine Goby (Actes Sud) : François, un jeune homme de 22 ans, plein de vie et de projets, a un terrible accident et doit être amputé des deux bras et des épaules. Au vu du sujet, on pourrait craindre un livre glauque, empreint de pathos et de larmes. C'est au contraire une magnifique histoire de reconstruction, qui ne gomme pas la souffrance et les épreuves. "Ce n'est pas son existence qu'il réintègre mais une autre qu'il s'invente". Un roman lumineux et d'une grande justesse.
L'âge de la lumière, Whitney Scharer, trad. de l'anglais (L'observatoire) : Lorsqu'elle arrive à Paris en 1929, Lee Miller est une jeune femme pleine de rêves et d'ambition. Mannequin, elle a quitté les Etats-unis pour rompre avec un monde où sa seule beauté comptait. Elle veut être plus qu'un corps ou un visage, elle veut être une artiste. Elle rencontre Man Ray, de 20 ans son aîné. D'abord assistante, puis élève et compagne du génie de la photographie, Lee commence à surpasser son maître. De quoi rendre jaloux cet homme égocentrique qui finira par la trahir. Un roman bouleversant sur le parcours d'une femme broyée.
Souvenirs de l'avenir, Siri Hustvedt, trad. de l'anglais (Actes Sud) : La narratrice a 62 ans. Elle retrouve un de ses carnets, écrit quand elle en avait 23 et s'installait à New York... C'est un livre sur le temps et les souvenirs, roman de formation d'une toute jeune femme vue par elle-même 40 ans plus tard. C'est excellent ! Ne pas oublier de le glisser dans vos valises si vous partez à New York. C'est un vrai bonheur !
Le coeur de l'Angleterre, Jonathan Coe, trad. de l'anglais (Gallimard): De sa plume ironique et légèrement mélancolique, Coe tente de comprendre à travers les aléas d'une famille anglaise les origines du fossé qui sépare entre eux les Britanniques, et les conséquences au niveau intime de la division du Brexit. Un regard lucide, pénétrant et doux-amer sur l'histoire récente et la sociéte, qui a un talent certain pour débusquer les faiblesses bien humaines.
L'oeil de la nuit, Pierre Péju (Gallimard) : A travers la vie singulière d'Horace Frink (1883-1936), P. Péju fait revivre les débuts de la psychanalyse aux Etats-Unis. On y croise Freud et Ferenczi en visite à New York, on y découvre surtout un Frink tâtonnant un peu avec les principes de cette nouvelle méthode et souvent dépassé par ses patients. L'une d'elle, la richissime Angelica Bijur, lui fera tourner la tête et l'entraînera dans le monde trépidant mais creux de la jet set des années folles.
Starlight, Richard Wagamese, trad. de l'anglais (Zoé) : Une femme et sa fille fuyant la violence et la misère rencontrent "Starlight", un homme solitaire proche des animaux et de la nature. Sur fond de paysages canadiens, cette heureuse rencontre va transformer tous les protagonistes.