En juin 2014, Anne, la quarantaine, mariée à Antoine et mère de deux enfants, part passer quelques jours en Normandie avec sa famille. Comme à chaque fois, elle redoute ce séjour au cours duquel elle doit retrouver sa mère et son beau-père. Depuis son enfance, Anne est fragile psychologiquement et entretient des relations tendues avec sa mère. Ses angoisses remontent à l'année 1984 lorsque Anne et sa famille habitaient en Normandie. Son père, Jacques Leroy, a été arrêté puis condamné à 15 ans de prison pour le meurtre d'une Américaine, Louise Adams, venue assister avec son mari, un général américain, aux commémorations du Débarquement des Alliés. Très tôt soupçonné par les gendarmes, c'est finalement le témoignage d'Anne, 10 ans à l'époque, qui a conduit à l'arrestation de son père qui décèdera en prison sans qu'elle ne l'ait jamais revu. Anne comprend qu'elle doit maintenant se replonger dans ce passé douloureux si elle veut enfin prendre sa vie en main. Elle veut savoir pourquoi son père a tué cette femme, quels sont les éléments matériels qui ont mené à sa condamnation. Anne décide de mener sa propre enquête, d'interroger les témoins de l'époque au risque de remuer de vieilles blessures et de faire éclater une autre vérité. Laura Carrère mêle avec talent secrets de famille et tragédies de l'histoire dans un suspense haletant.
Ce mois-ci de très bonnes sorties en poche!
Une république lumineuse d'Andrès Barba dans la collection Titres des éditions Christian Bourgois : Un roman très étrange qui hante longtemps où des enfants semblant sortir de la jungle amazonienne envahissent la petite ville de San Cristobal et y sèment le trouble.
American Dirt de Jeanina Cummins aux éditions 10/18, où une libraire d'Acapulco et son fils se retrouvent sur la route de l'immigration clandestine vers les États-Unis.
Croc fendu de Tanya Tagag dans la collection Titres des éditions Christian Bourgois : L'histoire d'une jeune Inuit confrontée à la menace des hommes, aux ravages de l'alcool. Un texte très fort, une écriture poétique, une héroïne inoubliable...
La vie rêvée des plantes de Lee Seung-u aux éditions Zulma : Deux frères, un accident, l'amour d'une mère, la jalousie entre frères, des secrets de famille... Dans La vie rêvée des plantes, violence et cruauté se mêlent d'une étrange façon à une infinie délicatesse. Un roman qui ne laisse pas indemne...
Ce qu'il faut de nuit de Laurent Petitmangin aux éditions Le Livre de poche : Quand l'amour d'un père et ses convictions profondes se retrouvent mises à mal par les choix radicalement opposés d'un fils. Coup de coeur de toute l'équipe Ce qu'il faut de nuit questionne la filiation et la transmission. Un livre coup de poing.
Mrs March a tout de ce qui ressemble à une existence confortable et sans nuage : un bel appartement à New York, un mari qui est un écrivain à succès et une vie oisive. Mrs March ne pense pas énormément, si ce n'est à des futilités. Lorsque l'employée de la boulangerie lui demande quel effet ça fait d'inspirer le personnage principal du dernier roman de son mari (qu'elle n'a pas lu), c'est toute son existence qui commence à vaciller. Elle se met à voir des signes autour d'elle. ESt-ce que tous les gens ne la regardent pas bizarrement? Elle épie les petits détails de la vie de son mari. Pourquoi Mr March garde-t-il des coupures de journaux sur le meurtre d'une jeune fille? Vraiment? Ce serait pour se documenter en vue d'un prochain livre?
Un récit hautement maîtrisé sur le basculement, l'effondrement de la raison : au début certaines obsessions font sourire par leur absurdité, mais petit à petit la paranoia atteint des proportions inquiétantes. Ecrit dans un style inimitable, à la fois désuet et décalé, le roman de Mrs March se lit comme un thriller psychologique.
L'inspecteur principal Schneider revient dans la ville où il a officié dix ans plus tôt. Hanté par l'Algérie où il a combattu, il est, dès sa prise de fonction, confronté à la disparition et au meurtre de Betty, jeune adolescente sans histoire. Dans le « Bunker » où il officie (le commissariat), la progression de l'enquête se fera à hauteur d'homme : les âmes sont taciturnes, désabusées, mais entêtées, l'aspect criminel de l'affaire aura tout à voir avec la folie des hommes, ce qu'elle génère d'inavouable, ce qu'elle dit aussi de la société (on est en 1973, peu avant la mort de Pompidou).
Entrer dans le nouveau roman d'Hugues Pagan, c'est d'abord être saisi par l'orfèvrerie de son écriture. Il y a une attention portée sur les détails et les ambiances. Ainsi croise-t-on des phrases telles que "La lumière du matin détaillait les êtres et les choses avec une netteté particulière, une sorte de cruauté paisible que nimbait cependant une étrange douceur distante" ou encore "Il alluma une cigarette derrière ses paumes. En levant son regard, il fut surpris par l’image qui lui sauta au yeux, surgie de la pénombre extérieure, celle d’une ombre au vaste front, aux orbites caves déjà remplies d’ombres, mais où luisait encore la férocité instinctive de quelque maigre et farouche bête de proie. Aussitôt, il éteignit son briquet, dont le claquement du capot évoquait le bruit sec et précis d’une culasse qu’on arme." Les descriptions sont ciselées, inédites (l'écriture, ça peut donc aussi être cela), quasiment foudroyantes. Dans Le carré des indigents, la langue est belle, les ciels bas et les regards vides. Le livre relève tout aussi bien du polar (un meurtre, une enquête, un commissaire taciturne) que du blues. De chaque page s'élève une mélodie, enveloppante, entêtante, presque oxymorique : plus la lumière sera faite sur l'enquête, plus les personnages plongeront dans l'obscurité. De cette âpreté, naît une intrigue implacable, non dénuée cependant d'ironie ou d'humanisme, Hugues Pagan est sociologiquement brillant lorsqu'il souligne l'invisibilité des petites gens.