Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, l'auteur interroge le passé de sa famille, dans l'arrière-pays niçois, depuis l'ascension sociale de ses grands-parents bouchers pendant les Trente glorieuses jusqu'à l'apparition du sida et la lutte contre la maladie dans les hôpitaux.
Ce livre ancré puissamment dans le réel est une lecture déchirante et sa construction, qui alterne trajectoire personnelle et trajectoire collective, celle de la recherche médicale, lui donne des allures de puissant chant funèbre.
Précisément documenté, embrassant l’histoire, le social et le politique, il va cependant bien au-delà, grâce à l’angle inédit qu’il a décidé d’investir, et donc par là, puissant et éclairant, celui de la maladie , vue, vécue, depuis la province, hors de Paris, et plus généralement hors des capitales. Il y a là une meurtrissure supplémentaire et Anthony Passeron l’écrit très intelligemment tout comme il écrit très bien l’itinéraire social de sa famille (les luttes, les privations, les humiliations et puis l’ascenseur social par le travail, la position dans la société et celle dans la famille) pour mieux dire l’aveuglement, le déni, l’asphyxie d’une famille, d’un village devant ce qui est étranger, devant ce qui relève d’un autre monde non identifiable, honteux, infamant - la toxicomanie ou la séropositivé.
Les secrets à Paris (quels qu’ils soient) ne seront jamais les mêmes que ceux vécus en Province. Là, des voisins ou votre propre famille vous regardent, vous jaugent ou vous jugent. Vous êtes différents, malades, endormis, rabaissés, compromis, répugnants. Il faut tenir son rang, il faut tenir son sang.
Au fil des pages, le récit devient une sorte de tombeau dédié aux vivants et à ceux qui les premiers ont lutté, mais c’est aussi un hommage aussi aux petites gens, aux « ploucs de province » qui ne comprenaient pas ou qui ne pouvaient pas comprendre. Les enfants endormis est un puissant premier roman.
Les enfants endormis
Anthony Passeron
Editeur : Globe Réserver ou commander