Mick Jackson. Trad. de l'anglais
Bourgois, 272 p., 15 €
La narratrice, une femme d'une soixantaine d'années, a perdu son mari soudainement. Assaillie de témoignages de sympathie dont elle n'a que faire, elle décide sur une impulsion subite de fuir sa maison londonienne. Elle atterrit dans un petit village du Norfolk où elle loue une maison de pêcheur, pour un temps indéterminé, où elle vit recluse, rédige son journal intime, fait de longues balades sur la côte et boit de plus en plus. Maintenant qu'elle n'est plus la femme de quelqu'un, elle doit apprendre à découvrir sa vraie personnalité, et ses réflexions, bien loin de la noirceur ou de l'auto-apitoiement, sont surprenantes car elles s'écartent complètement des idées reçues quant à la conduite qu'il est convenu d'adopter en période de deuil. Cette femme, bien qu'ayant perdu ses repères et à la limite de perdre pied, manifeste en même temps une grande lucidité, se libère des convenances et du qu'en-dira-t'on. Au fil de son journal, on découvre aussi les dessous de son mariage, loin d'être parfait, source de frustrations et de secrets. "Un personnage féminin complexe, résigné et rebelle, sombre et drôle".
Aurélien Molas
Albin Michel, 515 pages, 24.70 €
C'est dans une région dévastée par la guerre civile et pillée par les grands groupes pétroliers qu'Aurélien Molas nous entraîne pour une chasse au trésor sanglante et haletante. Ce trésor convoité par tous, traqué de toutes parts a pourtant l'apparence bien inoffensive d'une petite fille, Naïs, perdue au milieu du delta du Niger. Mais les militaires, les rebelles, les traitres de tous partis sont bien décidés à s'emparer de cette fillette et sont prêts à toutes les horreurs pour y parvenir. Recueillie par le Père David, un missionnaire français qui dirige un petit orphelinat, Naïs est menacée de mort par ceux qui l'accusent de sorcellerie et d'enlèvement, par ceux qui veulent profiter de ses prétendus pouvoirs. Deux médecins humanitaires et une jeune infirmière se retrouvent bien malgré eux aux prises avec des adversaires déterminés. Décidés à sauver Naïs coûte que coûte, ils devront affronter des ennemis avides de pouvoir, d'argent et de sang. Un thriller bien ficelé, une intrigue à rebondissements, des personnages attachants aux multiples facettes, bref tous les ingrédients d'un polar efficace.
David Whitehouse. Trad. de l'anglais
Plon, 265 pages, 21.95 €
Comment exister quand on est le petit frère de Malcolm Ede ? C'est la question que le narrateur se posera toute sa vie. Enfant déjà, Malcolm, surnommé Mal, avait un comportement atypique. Il aimait se déshabiller en public, attirer les regards, gâchant ainsi toutes les tentatives de sortie de la famille. Couvé par une mère possessive et ignoré par un père dépressif, Malcolm devient un adolescent turbulent jusqu'à sa rencontre avec Lou, une jolie jeune fille fascinée par la personnalité complexe de Mal. Elle est rayonnante et très vite le narrateur, jaloux de l'amour qu'elle porte à ce frère encombrant, ne vit plus que dans l'espoir qu'elle le remarque. Devenu un jeune adulte, Mal doit se résigner à se fondre dans la masse : boulot, appart, vie de couple avec Lou, projet de bébé. Tandis que son frère, enfermé dans sa jalousie envers Lou, quitte l'école pour un travail de boucher qui ne l'intéresse guère. Puis vient le jour qui va tout bouleverser. Le lendemain de ses vingt-cinq ans, Malcolm retombe dans ses excentricités d'enfant. Il se glisse nu dans son lit et décide qu'il n'en sortira plus.
Un anniversaire que cette petite maison d'édition fête avec un grand projet : l'édition complète du journal d'Henry David Thoreau, 7000 pages en tout, considéré comme le grand texte fondateur de l'écologie. Le premier tome vient de paraître, qui couvre les années 1837 à 1840, lorsque Thoreau débute son journal à l'âge de 20 ans.
Nous aimerions vous faire découvrir le fond très intéressant de cette maison d'édition de qualité, tant littéraire que graphique : dans ses petits ouvrages soignés, au beau grain de papier, vous dénicherez quelques curiosités, comme ces Inventions nouvelles et dernières nouveautés de G. de Pawlowski, dans lequel on décrit très sérieusement des inventions fondamentales comme la passoire à un seul trou ou le boomerang qui ne revient pas. Egalement Les Enigmes licencieuses de Marc Papillon de Lasphrise, ou des aphorismes de Cioran, traduits en rébus par de belles gravures de Ballaré.
Les éditeurs, qui fonctionnent essentiellement aux coups de coeur, ont exhumé des oubliettes de l'histoire littéraire quelques auteurs précieux qu'on (re)découvrira avec bonheur : Jean Forton, peintre acide de la famille, Raymond Guérin, et aussi quelques méconnus de chez nous comme Odilon-Jean Périer, Cyriel Buysse, écrivain flamand naturaliste, ... Comme auteurs plus récents, belges également, citons le délicieux Alain Bertrand, Alain Dantinne le désenchanté ou Emmanuelle Pol.
Avis aux amateurs de littérature rare et précieuse.