Gonçalo M. Tavares. Trad. du portugais,
Viviane Hamy, 494 pages, 24 euros
L'écrivain portugais Tavares a calqué la forme d'Un Voyage en Inde sur celle du poème épique Les Lusiades que Camoès écrivit au XVIème siècle, narrant le voyage maritime de Vasco de Gama jusqu'aux Indes. Et c'est bien cette structure en chants et vers, étonnamment utilisée dans un roman contemporain qui lui confère sa première particularité . Ici le (anti)héros s'appelle Bloom, il fuit Lisbonne et veut rejoindre l'Inde, non sans se perdre un peu partout, à Londres, Paris ou Prague. Son intention : trouver la sagesse, des joies nouvelles, aller au bout de lui-même. Mêlant poésie et philosophie, sans cesser d'utiliser l'ironie comme arme de ton, ce roman est une perle rare. A (re)(re)lire, indubitablement.
Santiago H. Amigorena
P.O.L., 633 pages, 25€.
Santiago a aimé Philippine comme un fou mais voilà, celle-ci vient de le quitter. Ecrivain, Santiago écrit chaque jour son amour et ce pendant quatre ans après leur séparation. De Paris à Buenos Aires en passant par Patmos, au fil des jours, le sentiment amoureux ne tarit pas et se déverse dans un déluge de mots. Roman fleuve, La première défaite, huit ans après Le premier amour qui contait l'amour partagé avec Philippine, est le roman du désespoir, le roman du souvenir, des larmes qui coulent et sèchent sur les mots. Santiago H. Amigorena poursuit ici son oeuvre autobiographique originale et ambitieuse dans un roman au caractère obsessionnel qui témoigne de son refus de la perte, de l'absence et révèle son goût pour le ressassement. Un livre sur l'effet destructeur des sentiments, nostalgique mais non exempt d'humour.
Mathias Enard
Actes Sud, 252 pages, 21€50.
Lakhdar est un jeune tangérois sans histoires qui rêve de liberté avec son copain Bassam et qui fantasme sur sa cousine Meryem avec laquelle il s'adonne au plaisir. Mais ils sont découverts. Le cauchemar commence alors pour eux. La honte de la famille s'abat sur Lakhdar et Meryem. Lakhdar, bien que très jeune, s'enfuit. Abandonné, à moitié clochard, il retrouve finalement un statut au sein d'un groupe de pensée coranique. Mais à la différence de son ami Bassam, la doxa islamiste n'a pas de prise sur lui. Après un attentat à Marrakech que Lakhdar attribue au groupe, Bassam disparaît et Lakhdar change de vie et pose le pied sur le sol européen. Là encore la vie ne sera pas facile pour Lakhdar.
Rue des voleurs est un roman à vif comme Le pain nu de Mohammed Choukri auquel il rend hommage d'ailleurs. Grâce au souffle épique de Mathias Enard, Rue des voleurs est traversée par une grande force narrative et émotionnelle qui emporte le lecteur dans cette tragédie qui d'ordinaire finit pas s'inscrire dans la grande histoire. A lire.
Michael Ondaatje.Trad. de l'anglais
L'Olivier, 258 pages, 22.50 €
«On ne m'avait pas prévenu que le paquebot comporterait sept ponts, qu'il y aurait six cents personnes à bord, dont un commandant, neuf cuisiniers, des mécaniciens, un vétérinaire, et qu'il renfermerait une petite prison et des piscines chlorées qui vogueraient en notre compagnie sur deux océans.». A l'âge de 11 ans, Michael est envoyé en Angleterre pour y retrouver sa mère. Il quitte donc le Sri Lanka à bord de l'Oronsay, un impressionnant paquebot sur lequel il voyagera vingt un jours, seul. Ce voyage étrange, sans adulte, va vite se transformer en une aventure de tous les instants. Avec deux autres enfants de son âge, Cassius et Ramadhin, il explore chaque recoin du bateau, rencontre des gens étonnants, se mêle aux autres passagers et écoute leurs histoires. Dans ce roman largement autobiographique, Michael Ondaatje revient avec tendresse sur l'un des épisodes les plus marquants de son histoire, l'un de ceux qui ont forgé son regard d'écrivain.