Fabián Martínez Siccardi
Traduit de l'espagnol (argentine) par Isabelle Gugnon
Editeur : Liana Levi Réserver ou commander
C'est bouleversé que l'on ressort de ce roman puissant, véritable ode à un peuple décimé dans l'indifférence générale. A travers le destin singulier de Manuel Palacios, l'auteur nous raconte la lutte menée par ce missionnaire métis pour sauvegarder la mémoire des Tehuelches, les premiers occupants de la Patagonie. Antonio Pigafetta, chroniqueur du voyage de Magellan, fut marqué par sa rencontre avec ces hommes du bout du monde et les surnomma "Les géants de Patagonie". Issu du peuple Tehuelche par sa mère et des occupants espagnols de ce coin d'Argentine par son père, Manuel Palacios né au début du XXe siècle, est placé très jeune dans une institution religieuse des Salésiens où il fera toutes ses classes avant de partir pour le Vieux Monde, en Italie, pour son noviciat. De retour dans son pays natal comme missionnaire, Manuel découvre les conditions misérables dans lesquelles vivent les familles de ce peuple de nomades contraintes de se sédentariser face à l'expansion des estancias et l'arrivée de nouveaux colons européens sur leur territoire. Le jeune prêtre qui, enfant, a partagé leurs humiliations,comprend leurs souffrances et se désole de la disparition de leur culture. Il consacrera toute sa vie à la sauvegarde de ses frères et tentera d'éveiller la conscience des Argentins à ce génocide lent et silencieux.
Claire Fuller
Traduit de l'anglais par Mathilde Bach
Editeur : Stock Réserver ou commander
Dans "Terre fragile", Claire Fuller décrit avec talent la brutale et difficile chute dans la précarité d'un frère et d'une soeur dans l'Angleterre rurale d'aujourd'hui. Julius et Jeanie sont jumeaux et depuis leur naissance il y a plus de cinquante ans, ils n'ont jamais été séparés. Tous deux vivent dans un petit cottage avec leur mère, Dot, inconsolable depuis la mort tragique de son mari alors que les enfants n'avaient que treize ans. Julius fait des petits boulots dans les fermes du voisinage et Jeanie aide sa mère à récolter quelques légumes qu'elles vendent dans un épicerie locale. Ensemble ils vivent une vie simple, rythmée par les saisons, repliés sur eux-mêmes, aimant se retrouver le soir pour chanter et jouer de la musique traditionnelle. Tout s'effondre lorsque Julius découvre un matin sa mère morte dans la cuisine. Celle qui était leur ciment et leur barrière face au monde extérieur n'est plus. Mais comment vivre quand on n'a pas de revenus, qu'on peine à lire et à écrire, qu'on ne comprend rien au dédale de l'administration ? Les jumeaux découvrent que Dot, sous couvert de les épargner, leur a caché bien des secrets.
Nicolas Richard
Editeur : Inculte Réserver ou commander
"Avec le temps, certains souvenirs se précisent, leurs contours deviennent plus nets et ils gagnent en vivacité, même s’il sont le reflet de choses qui ne sont jamais produites."
Au départ, il y a deux femmes, Emma et Marie, qui ne se connaissent pas, mais qui sont reliées à un homme. Il y aura une troisième femme, tout à tour enfant ou octagénaire selon l’entrelacs des chapitres. Jeanne est la narratrice, ambiguë et mystérieuse, de ce livre. Il y a aussi trois maris. Des morts, peut-être même des assassinats. Une mère qui n’arrive pas à être mère, une femme qui arrive seulement à être veuve. Un peu de drogue, un peu de psychanalyse. Un décor de cabaret. Des chevaux, l’Amérique du Sud, L’Afrique. La France. La guerre.
"La chanteuse aux trois maris" joue sur les faux semblant. Le roman, d’ailleurs, est-il ce qu’il semble être ? Une enquête ? Un roman familial ? Une livre basé sur le socle de l’illusion ? Ou un grand vertige de fiction ? Il enchevêtre les souvenirs aux hypothèses. Tout cela d’ailleurs n’est-il pas la même chose ? Le voyage, l’invention, le mensonge. Les souvenirs. Car au bout du compte, il y a une matière, un peu magique pour se composer une mémoire, résoudre un mystère ou écrire un roman.
Nicolas Richard a écrit ici un texte très jubilatoire. Il est à la fois très romanesque mais ne se prive pas de réflexions sur le pouvoir du récit, du mensonge, de l’illusion. Un vrai roman, en somme !
Sophie Van der Linden
Editeur : Denoël Réserver ou commander

C’est l’histoire d’une femme qui se laisse entièrement submergée par le ciel, les étendues d’étoiles, l’immensité et par sa solitude aussi, qu’elle recherche, interroge, et laisse couler en elle. Sophie Van Der Linden réussit superbement le portrait d’une femme et d’une nature indociles. Cette indocilité nourrit le texte : Anna Boberg résiste à son milieu, à son époque, au froid, tout comme le paysage se montre profondément indocile à toute représentation hâtive. C’est dans la patience, le guet, l’attente, que les deux, la femme et ce territoire inouï, rentreront en osmose. Arctique solaire est l’histoire d’une femme qui choisit l’intranquillité, qui se confronte à l’abrupte, qui refuse la soumission sauf quand elle provient de la nature ou d’une nuance qu’on ne trouve pas, ou encore d’un moment de captation qu’on a raté. Sophie Van Der Linden parle d’intranquillité picturale, de cette non évidence du moment qui ne se choisit pas mais qui se révèle. La relation qu’elle entretient avec son mari (qui encourage l’éloignement, qui est dévoué, confiant) est aussi très belle, loin des canons habituels.