Patricia Bouchenot-Déchin
Fayard, 655 pages, 30.30€
André Le Nôtre ? Un nom connu de tous, associé à un siècle, le XVIIe, à un roi, Louis XIV, à un art, celui des jardins. Même si la légende est belle, ce petit-fils de jardinier du roi et fils de dessinateur des jardins de Sa Majesté n'a jamais été cet homme que l'on dit parti de rien, bêche et chapeau à la main.
Héritier de deux charges royales et d'une clientèle prestigieuse, Le Nôtre développe ses talents en se frottant aux esprits cultivés de son temps avant de devenir contrôleur général des Bâtiments, Arts et Manufactures de Louis XIV. Protégé des Guise et des Orléans-Longueville, proche des milieux précieux et
scientifiques, formé par Vouet, influencé par ses rencontres avec Poussin et le Bernin, Le Nôtre sert soixante-cinq années durant plusieurs générations de monarques et de particuliers. Gaston d'Orléans, les Condé, Guillaume III d'Orange mais aussi Fouquet ou l'ensemble du clan Colbert : rebelles au pouvoir
royal, ennemis de Louis XIV, ministres et courtisans, tous font appel à lui. Son intelligence hors du commun, sa force de travail surprenante et son équipe de praticiens, liée à sa famille depuis des décennies, lui permettent de conquérir le plus exigeant : Louis XIV.
Sa passion pour la grandeur et son obsession pour le naturel marquèrent profondément l'ensemble de ses réalisations, renouvelant de manière féconde l'art des jardins. Connaisseur de l'antique et collectionneur acharné de modernes, il a enrichi notre patrimoine national en léguant au roi les chefs-d'oeuvre de sa collection. Le Nôtre, qui cultivait les paradoxes, réussit le tour de force d'acquérir «de la gloire et de l'honneur» tout en demeurant simple et libre. Dans cette biographie richement documentée, Patricia Bouchenot-Déchin nous retrace avec brio l'extraordinaire histoire d'un homme qui inspira le monde entier.
Notice de l'éditeur
Charles Zorgbibe
De Fallois, 398 pages, 26.95€
Une intelligence rapide, un charme et une courtoisie toujours prêts à se déployer. Une inclination à la paix, prouvée lors des crises de Tanger et d'Agadir - et qui ne disparaît qu'en 1913, dans un grand mouvement romantique, lors de la célébration du centenaire de la guerre de libération prussienne contre Napoléon. Mais aussi une profonde division intérieure, une fragilité nerveuse et physique. Une tension constante afin de surmonter son handicap de naissance - ce bras atrophié et paralysé qui fait de lui, selon son précepteur, le soldat le moins apte physiquement qu'ait jamais compté l'armée allemande... D'immenses pouvoirs personnels et l'angoisse de ne pas être en mesure de les assumer.
À la veille de la Grande Guerre, Guillaume II avait réussi sa «politique mondiale» : l'Allemagne, dernière arrivée dans la compétition impérialiste, était présente en Afrique, au Proche-Orient, en Chine, dans le Pacifique-Sud et ses émigrés formaient des communautés dynamiques dans les deux Amériques.
L'Allemagne était toujours une nation militaire mais, portée par la discipline et le talent de ses chercheurs, de ses cadres économiques et de ses ouvriers, elle était au premier rang de la science et des industries chimique et électrique, qui partaient, elles aussi, à la conquête du monde - dans l'atmosphère pluraliste tissée par une presse et un parlement incisifs et remuants.
Survint le cyclone du premier conflit mondial, qui brisa l'irrésistible avancée allemande vers l'hégémonie. Son oncle anglais, Édouard VII, disait de
Guillaume II qu'il incarnait «le plus brillant fiasco de l'Histoire».
Notice de l'éditeur
Andrew Diamond et Pap NDiaye. Trad. de l'anglais
Fayard, 520 pages, 29.15€
Depuis un siècle et demi, la ville de Chicago attire et fascine les observateurs de l'Amérique tant elle incarne une modernité urbaine spectaculaire et triomphante. Barack Obama, qui s'y installa et y entama sa carrière politique, la qualifie de «ville éminemment américaine». D'autres avant lui l'ont surnommée la «ville aux larges épaules», en référence à ses foules laborieuses. Car, pendant des décennies, c'est par centaines de milliers que des ouvriers d'Europe, mais aussi des Noirs du sud des États-Unis et des Hispaniques sont venus travailler dans ses abattoirs, ses aciéries et ses usines rugissantes, faisant de Chicago la capitale manufacturière du pays. Ils ont construit les gratte-ciel orgueilleux du centre-ville - le fameux Loop -, posé des kilomètres de rails, creusé des canaux et empli les bateaux de grain.
À l'image de la violence des abattoirs, l'histoire politique et syndicale de Chicago est d'une grande brutalité, en partie parce que des richesses considérables y sont concentrées entre les mains de quelques-uns. La municipalité a ainsi longtemps été tenue par des «machines» politiques corrompues liées aux milieux d'affaires, et parfois à la mafia - celle d'Al Capone ou de ses successeurs. Au-delà de son statut de symbole industriel, la ville fut un haut lieu du jazz et du blues, et aussi la plus ségréguée du pays. À ce titre, elle devint la capitale incontestée de l'Amérique noire au milieu du XXe siècle, jouant un rôle déterminant dans la lutte pour les droits civiques.
Richement documenté et illustré, ce livre n'est pas seulement une histoire «populaire» de Chicago, des gens ordinaires qui y ont vécu, travaillé, consommé, prié ou joué de la musique. Il propose l'histoire sociale et politique, jusqu'à nos jours, d'une ville américaine à la fois archétypale et exceptionnelle.
Notice de l'éditeur
Christopher Clark. Trad. de l'anglais
Flammarion, 668 pages, 25 €
Le 28 juin 1914, dans Sarajevo écrasée de soleil, un certain Gavrilo Princip se réfugie à l'ombre d'un auvent pour guetter le cortège officiel de l'archiduc François-Ferdinand... Cinq semaines plus tard, le monde plonge dans une guerre qui entraînera la chute de trois empires, emportera des millions d'hommes et détruira une civilisation.
Pourquoi l'Europe, apparemment prospère et rationnelle, était-elle devenue si vulnérable à l'impact d'un unique attentat perpétré à sa périphérie ? Quels formidables jeux d'alliances géopolitiques toujours fluctuantes et d'intérêts nationaux contradictoires se mêlaient-ils ? Quelles craintes ancestrales, quelles mythologies nationales animaient les opinions publiques et influencèrent les décisions des diplomates ? C'est ce que raconte cette fresque magistrale. Multipliant les points de vue et faisant dialoguer avec brio études classiques et sources inédites (en anglais, allemand, français, bulgare, serbe et russe), Christopher Clark replace les Balkans au coeur de la crise la plus complexe de l'histoire moderne et en décrit minutieusement les rouages.
Plus clairement que jamais, il montre que rien n'était écrit d'avance : l'Europe portait en elle les germes d'autres avenirs, sans doute moins terribles. Mais de crise en crise, les personnages qui la gouvernaient, hantés par leurs songes et aveugles à la réalité des horreurs qu'ils allaient déchaîner, marchèrent vers le danger comme des somnambules.
Notice de l'éditeur