Michel Bernard
La Table Ronde, 211 pages, 20€.
Trois prénoms pour les trois parties de ce livre. Frédéric, Camille, Claude. Frédéric Bazille, l'ami des débuts, mort à la guerre de 1870, il a toujours soutenu Monet et lui a acheté ses premiers tableaux; Camille Doncieux, la première épouse tant aimée, la seule que M onet supportait lorsqu'il était en train de créer ; et Claude Monet lui-même, quand il se retire à Giverny, peint les Nymphéas, reçoit Clémenceau . Trois prénoms pour l''amitié, l'amour et la passion jamais tarie de créer.
On est bien loin du roman biographique classique tant le style de l'auteur, d'une élégance sans fioriture, fait surgir la beauté et l'émotion au détour de ses lignes, tant il saisist avec subtilité l'entremêlement de la vie et de l'oeuvre du grand peintre, l'amour de Camille et sa passion de peindre.
Lumineux!
d'Eugenia Almeida Trad. de l'espagnol,
Métailié, 249 pages, 18 euros.
À Buenos Aires, récemment, à la sortie d'un bar, une jeune femme braque son révolver sur un inconnu puis retourne l'arme contre elle-même et se tue. L'inconnu, lui, s'en va sans se retourner. Ce comportement singulier intrigue Guyot, un journaliste, et son intérêt est encore plus aiguisé quand ses amis policiers adoptent eux aussi une attitude des plus étranges. Cette histoire n'intéresse personne et pourtant il cherche, creuse fouille, remonte dans le passé, mais les cendres de la dictature des années 80 ne sont pas bien froides et à trop les remuer, on risque bien de s'y brûler les doigts.
Un roman oppressant, à l'intrigue implacable, qu'il faut lire entre les lignes, dans le blanc des conversations. Dans un style concis et avec une grande économie de moyens, l'auteur nous donne à comprendre le passé - pas si passé - de l'Argentine.
Serge Joncour
Flammarion, 427 p., 21€.
Ils partagent la même cour d'un immeuble parisien, mais c'est à peu près tout ce qu'ils ont en commun. Aurore emprunte l'escalier A, celui des appartements cossus. C'est une styliste reconnue, une mère de famille à qui tout semble réussir.
Du côté de l'escalier C par contre, tout est vétuste et désolé, et l'existence de Ludovic semble elle aussi très étriquée. Ce provincial, agriculteur sans ferme reconverti dans le recouvrement de dettes,veuf depuis 3 ans, mène à Paris une existence sans joie.
Ils ne font que se croiser, jusqu'au jour où une histoire de corbeaux les rapproche. Ces sinistres oiseaux insupportent Aurore jusqu'à la rendre hystérique. Il décide de l'aider car, elle ne sait comment, il semble tout comprendre de ses failles.
Lui , ce géant à l'air calme mais aux pieds d'argile, qui par son apparence semble dégager une telle force ; elle, qui possède tout, en fait ces deux-là vont combler les manques, trouver la force en l'autre. A travers leur histoire, c'est aussi toutes les difficultés de nos existences contemporaines qui sont passées au peigne fin à travers la sensibilité de l'auteur.
Un grand roman sur la fragilité, la solitude, doublée d'un suspense dramatique, et surtout, surtout, une magnifique histoire d'amour.
Gaël Faye,
Grasset, 224 p., 20€20
Rien de journalistique, pas d'intention historienne dans ce témoignage. Seulement le regard d'un adulte qui cherche celui de l'enfant qu'il était. Dans l'intimité de la violence vécue, l'écriture de Gaël Faye vient nous chercher aux tripes. L'auteur semble si proche, comme s'il se trouvait dans la même pièce que nous. On ne lâche bientôt plus le roman et par la suite, c'est le roman qui ne nous lâche plus: nous partageons désormais un peu de sa hantise percée de souvenirs lumineux.