Héritières, Trio pour un monde égaré, La femme au colt 45 de Marie Redonet aux éditions du Tripode.
Trois superbes romans de Marie Redonet, tous publiés au Tripode à ne manquer sous aucun prétexte!
Héritières n'est autre qu'une réédition de trois textes de Marie Redonnet publiés séparément et initialement aux éditions de Minuit : Splendid Hotel, Forever Valley, Rose Mélie Rose. Trilogie formidable où se déploie dans une langue à la fois simple et juste le destin de trois jeunes femmes vivant dans des mondes qui partent à vau l'eau. La première tient le Splendid Hôtel, légué par sa grand-mère, construit au bord d'un marais virulent. Le Splendid Hôtel est déjà délabré, attaqué, miné. Harcelée par ses deux sœurs parasites, Ada et Adel, la narratrice laborieuse s'y dévoue ainsi qu'aux malheureux clients. La deuxième vit seule avec le père dans l'ancien presbytère de la Forever Valley désertée. Le père, qui voit la paralysie le gagner, confie l'adolescente à Massi, la patronne du dancing voisin. Massi lui apprend à se conduire comme il faut avec les clients. Le reste de la semaine, la jeune fille le consacre à des fouilles dans le jardin du presbytère, pour y chercher des morts. La troisième s'appelle Mélie. Elle a été abandonnée à sa naissance dans la grotte aux fées et recueillie par une femme âgée Rose. Rose meurt le jour où Mélie a douze ans et ses premières règles. Alors Mélie part pour la ville de Oat. Tout le monde quitte peu à peu la ville pour le continent. Mélie vit au 7 rue des Charmes entourée de quelques vieux qui ont décidé de rester à Oat. Elle va aux goûters dansants du Continental le dimanche, sa seule distraction, puis découvre la plage aux Mouettes. Elle a toujours avec elle son polaroïd.
Tandis que la violence se fait latente à chaque page, se révèle la beauté de ces trois êtres qui ne renoncent jamais.
Dans Trio pour un monde égaré, les pays sont en guerre, latente ou déclarée, la liberté n'est plus de mise, il s'agit de se cacher, de s'effacer jusqu'au jour où l'on décide de résister, de redevenir soi-même à nos risques et périls. Willy Chow est un ancien rebelle qui tente d’oublier un passé trouble, mais la guerre fait à nouveau rage à la frontière et menace la paix de son domaine. Le scientifique Douglas Marenko n’est pas Douglas Marenko. Emprisonné dans une cellule après avoir tenté de fuir son pays, on voudrait lui faire endosser une nouvelle identité. Il résiste jusqu’à ce que ses geoliers lui présentent celle qui se dit être sa femme et qu’il sait avoir connue. Tate Combo a quitté son pays et vit désormais dans une mégapole. Un photographe en vogue a décidé d’en faire, à force d’opérations chirurgicales, l’incarnation d’une déesse blanche qu’il vénère. Le jour où elle décide de stopper cette métamorphose imposée, des avions s’écrasent sur les tours de la ville.
Marie Redonnet offre ici un récit haletant et magistralement orchestré sur les menaces, intérieures et extérieures, qui visent nos libertés.
Dans La femme au colt 45, Lora Sander fuit son pays tombé sous le joug d'une dictature. Sa vie de comédienne n'est plus possible. Munie de son colt 45 elle s'exile laissant derrière elle mari et fils.
Récit intimiste, La femme au colt 45 est aussi un texte éminemment politique.
Karl Ove Knausgaard, trad. du norvégien
Denoël, 658 pages, 24€50
À quoi bon se plonger dans l’œuvre de quelqu'un racontant de A à Z son existence banale? Pour changer d'avis, lisez Mon combat, la géniale entreprise littéraire de Knausgaard : il livre tout, sans tabou, dans une langue brute et tellement juste. Mon combat compte à ce jour quatre tomes : La mort d'un père, Un homme amoureux, Jeune homme et Aux confins du monde. Ces quatre tomes se lisent indépendamment et ne suivent pas une chronologie précise. La figure du père hante toute l'oeuvre de Knausgaard qui, victime d'un père autoritaire et hyper contrôlant, tentera tout au cours de sa vie de lui échapper.
Dans Aux confins du monde, il nous raconte l'année de ses dix-huit ans. Il vient de finir le lycée et se retrouve enseignant dans une petite bourgade portuaire à l'extrême Nord de la Norvège. Le garçon boit beaucoup tout en se nourrissant de littérature et de musique. Pour se réchauffer mais aussi pour oublier ses frustrations: son obsession pour les (trop) jeunes filles, son désir de voyage, ses pulsions d'écrivain.
Au-delà de l'autoportrait sans concessions, l'auteur livre une peinture saisissante de la société scandinave des années 1980. Se raconter, c'est aussi saisir tout ce qui nous entoure.
Pour cette désormais très importante rentrée de janvier (498 nouveautés), les éditeurs nous ont réservé quelques poids lourds incontournables.
Paul Auster publie 4321, un gros pavé foisonnant, passionnant, dense, sur la valse des possibilités, les bifurcations que peuvent emprunter l'existence. On y retrouve les thèmes chers à l'auteur, et son sens de la narration qui trouve tout son accomplissement dans ces quelques mille pages à lire.
Pierre Lemaître poursuit sa fresque commencée avec Au revoir là-haut. Avec Couleurs de l'incendie, il nous tient à nouveau en haleine grâce à cette histoire de vengeance, d'ambition, de scandales financiers, durant les années tourbillonnantes qui annoncent la crise de 1928.
L'enfant perdue, quatrième et dernier volume de la saga d'Elena Ferrante : ici se clôt la grande histoire d'amitié essentielle, de rivalité, de tension de Lila et Elena. Un final d'une grande beauté.
Mais citons encore : Delphine de Vigan, Arundhati Roy, Olivier Bourdeaut (l'auteur d'En attendant Bojangles), Philippe Delerm, Louise Erdrich, Jérôme Garcin, Elif Shafak,...
Et dans les auteurs à découvrir, voici nos premiers coups de coeur!
Un autre Brooklyn de Jacqueline Woodson : "August, Sylvia, Angela et Gigi sont quatre adolescentes, quatre amies inséparables qui arpentent les rues de Brooklyn des années 1970, se rêvant un présent différent et un futur hors du commun. Mais un autre Brooklyn, où le danger rôde à chaque coin de rue, menace les espoirs et les promesses de ces jeunes filles aux dernières heures de l'enfance." (note de l'éditeur)
Le serpent de l'Essex de Sarah Perry : une jeune veuve, passionnée de paléontologie, s'installe avec son fils et sa nourrice dans un petit village de l'Essex, qui n'a rien de remarquable si ce n'est son rivage riche en fossiles et la rumeur qui y bruisse selon laquelle aurait ressurgi un monstre marin aux allures de dragon qui provoquerait toutes sortes de phénomènes néfastes. Le pasteur du lieu tente de faire revenir ses fidèles à la raison. C'est là que Cora va reconstruire sa liberté. Un roman au charme victorien, peuplé de personnages fantasques et délicieux.
L'année de l'Education sentimentale de Dominique Barberis : trois anciennes amies de fac se retrouvent le temps d'une soirée dans la maison à la campagne de l'une d'elles. Ensemble, à l'époque, elles avaient suivi un cours sur L'éducation sentimentale de Flaubert. La soirée est lourde, il fait très chaud, l'orage menace. Elles ressortent quelques vieux souvenirs, parlent un peu des années qui ont passé, d'aujourd'hui. Par petites brides, sans avoir l'air d'y toucher, Dominique Barberis fait ressortir l'angoisse sourde de la vie.
Le 7 décembre, le prix Rossel a été attribué à Laurent Demoulin pour son titre Robinson, paru chez Gallimard!
Ce livre est une magnifique histoire d'amour entre un père et son fils. Robinson est autiste, Robinson est une île, vit dans l'immédiat, n'a pas accès au langage et c'est son père- universitaire, amoureux de la langue et poète- qui met des mots délicats, tendres , drôles, autour de ce fils qui lui n'en possède pas. À travers différentes scènes où l'on suit Robinson au magasin, à la piscine, jetant ses jouets par la fenêtre ou se recouvrant joyeusement d'excréments, Laurent Demoulin réussit à nous faire voir cette étrangeté autrement, dans un équilibre subtil entre poésie et humour, tragique et farce, toujours avec pudeur et dignité, et beaucoup beaucoup de tendresse.
Les autres finalistes du prix Rossel sont loin d'avoir démérité:
Rosa, de Marcel Sel (Onlit editions) est une belle, émouvante et passionnante histoire familiale qui nous transporte de l'Italie fasciste à la Belgique d'aujourd'hui, questionnant la filiation et les incohérences de l'histoire.
Un monde sur mesure de Nathalie Skowronek (Grasset) : C'est réellement tout un monde qui apparaît sous la plume de Nathalie Skowronek, celui des tailleurs juifs, de la confection, du magasin de vêtement qui était tout l'univers de ses grands-parents maternels et paternels, des juifs rescapés de la Shoah,un univers qui allait peu à peu disparaitre.
Une dose de douleur nécessaire, de Victoire de Changy (Autrement) : Elégante, elliptique, habitée par une puissance sourde, telle est l'écriture de Victoire de Changy pour évoquer cette histoire d'amour passionnelle, où l'on sent poindre la folie.
Le goût de la limace, de Zoé Derleyn (Quadrature) : un remarquable de nouvelles, surprenantes,à la fois intimes et narratives. À découvrir!