Valérie Manteau,
Le tripode, 262pages, 17€, Prix Renaudot 2018
Dans Calme et tranquille (2016, éditions du Tripode), Valérie Manteau qui venait de s’expatrier à Marseille, nous racontait son expérience de la violence et de la mort. En effet elle devait faire face conjointement au suicide de sa grand-mère et à la mort de ses collègues et amis de Charlie Hebdo après l’attentat perpétué par les frères Kouachy.
Dans Le sillon, la journaliste est partie s’installer à Istanbul. Elle y a rejoint un amant turc et peine à écrire un roman. Elle est impliquée dans la vie culturelle et intellectuelle locale, y fréquente entre autres Asli Erdogan.
Elle retrouve son énergie et sa hargne lorsqu’elle décide d’écrire sur Hrant Dink, un journaliste turco-arménien abattu en pleine rue, à Istanbul en 2007, devant le siège de son journal, Agos.
Entre récit d’une errance stambouliote et dénonciation des crimes féroces perpétués par le président turc Recep Tayyip Erdogan afin de museler les intellectuels de son pays, Valérie Manteau creuse son sillon d’une rive à l’autre du Bosphore et nous livre avec maestria les tribulations intranquilles de cette ville aux multiples visages où nombreux sont ceux qui se battent pour la liberté.
Je rêve de chats qui tombent des rambardes, d’adolescents aux yeux brillants qui surgissent au coin de la rue et tirent en pleine tête, de glissements de terrain emportant tout Cihangir dans le Bosphore, de ballerines funambules aux pieds cisaillés, je rêve que je marche sur les tuiles des toits d’Istanbul et qu’elles glissent et se décrochent. Mais toujours ta main me rattrape, juste au moment où je me réveille en plein vertige, les poings fermés, agrippée aux draps ; même si de plus en plus souvent au réveil tu n’es plus là.
Le sillon, un livre à la démarche « d’autofiction documentaire » comme Valérie Manteau la définit elle-même à lire absolument!
François Roux
Albin Michel, 265 pages, 22€25
Ses études à l'université de Chicago terminées, Lisa retourne chez ses parents, éleveurs de bovins dans le Dakota du Nord. Cela fait quatre ans qu'elle n'a pas revu sa mère, Karen, avec laquelle elle entretient depuis toujours une relation assez houleuse qui s'est encore déteriorée après le décès de son frère Matt, il y a 6 ans. Lisa découvre que ses parents sont à bout de nerfs. Déjà éprouvés par la perte de leur fils, ils doivent faire face à la situation catastrophique de leur exploitation. Depuis quelques années, leurs terres sont entourées de forages pétroliers. Le bruit incessant, les flammes brûlant sans discontinuer au sommet des plateformes, les camions roulant à toute vitesse ont rendu leur quotidien insupportable, sans parler des nuisances invisibles qui polluent leurs terres. Lisa retrouve aussi les anciens amis de son frère : Joe, devenu un employé de la firme pétrolière qui exploite les gisements sous le terrain de sa famille, et Ross le fils de leurs anciens voisins dont les parents ont vendu les droits d'exploitation de leur sol pour une petite fortune. Elle fait aussi la connaissance de Steven, un activiste écologiste qui se bat contre le passage d'un oléoduc sur des terres appartenant à une réserve indienne. Entre ceux qui tentent à tout prix de préserver la nature et ceux qui se sont laissés convaincre par les géants de l'industrie, rien n'est simple. Un roman captivant et éclairant sur l'Amérique contemporaine.
Léa Carpenter, trad. de l'anglais
Gallmeister, 272 pages, 22€
Sara vit seule, en Pennsylvanie, dans la maison où elle a élevé son fils, Jason, aujourd'hui un jeune homme de 27 ans. C'est seule aussi qu'elle a toujours pris soin de lui. Une grossesse inattendue, elle trop jeune, le père bien plus vieux, pris par un boulot exigeant qui lui coûtera la vie alors que Jason n'a que 8 ans. C'est seule toujours qu'elle part courir sur les chemins pour évacuer l'angoisse et se vider la tête. Sara est donc seule, en ce jour de mai 2011 lorsque deux officiers de l'armée viennent se présentent à sa porte. Jason fait partie des SEAL, l'élite des forces spéciales américaines. Depuis qu'il s'est engagé, à 17 ans, après les terribles images des attentats du 11 septembre 2001, Sara a peur pour son fils. Aujourd'hui ce qu'elle redoutait le plus est arrivé. Jason a disparu. Est-il sain et sauf, réfugié quelque part, blessé, incapable de rejoindre son unité ou pire encore ? Pendant onze jours, Sara va attendre des nouvelles de son fils. Pendant onze jours, elle va relire les lettres et les mails que Jason lui a envoyés durant ses années de formation, elle va essayer de comprendre sa volonté de s'engager. Mais on va aussi entendre la voix de Jason, tout ce qu'il ne dit pas à sa mère, la difficulté de la formation, les camps d'entraînements, les opérations. L'on est bouleversé par l'amour de cette mère pour son fils et troublé par la force de l'engagement du jeune homme.
Hampton Sides. Trad. de l'anglais
Paulsen, 508 pages, 27€95
Au Royaume des Glaces n'est pas un roman, tout ce qu'on y lit est vrai et c'est cela qui fait toute la force de ce livre ! Hampton Sides nous raconte avec talent l'histoire incroyable mais vraie d'une poignée d'hommes partis vers l'inconnu. On s'y plonge comme dans un roman d'aventures, un thriller et même parfois une histoire d'amour. On y rencontre des êtres exceptionnels, des héros intrépides prêts à tout pour mener à bien la mission qui leur a été confiée mais aussi prêts à tout pour sauver leurs compagnons. Car si Au Royaume des Glaces est le récit d'une expéditon scientifique c'est avant tout une formidable aventure humaine. Nous sommes à la fin du XIXe siécle, l'homme s'est peu à peu approprié le monde. Les développements technologiques ont permis aux explorateurs de s'aventurer de plus en plus loin, de cartographier des régions isolées, et pourtant une zone reste encore totalement inexplorée : le pôle nord. Jamais personne n'a atteint le point le plus septentrionnal du globe. De nombreuses expéditions se sont lancées dans l'aventure mais toutes ont échoué se terminant bien souvent de façon dramatique. James Gordon Bennett, milliardaire américain et propriétaire excentrique du New York Herald - lui qui avait lancé Henry Morton Stanley sur les traces du Dr Livingstone en Afrique- décide de financer une expédition chargée d'atteindre, au nom des Etats-Unis, cette zone inaccessible. Le Capitaine George De Long est nommé à la tête de l'expédition. Il recrute un équipage formé de 33 hommes, prépare un bateau capable de résister aux glaces, La Jeannette, et se lance, le 8 juillet 1879, dans le voyage de sa vie. Mais rien ne se déroulera vraiment comme prévu et les hommes devront faire face à une nature imprévue, à des conditions de vie terrifiantes, seuls, au milieu des glaces...