Delphine de Vigan
Lattès, 437 pages, 21.30 €
Delphine de Vigan nous parle de sa mère qui s'est suicidée, et de sa famille maternelle, famille flamboyante, joyeuse, mais qui a subi son lot de drames et qui compte de multiples zones d'ombre et de silence. Dieu sait qu'en s'attachant à un tel sujet, en révélant certains secrets, l'auteur s'exposait au risque du grand déballage et aurait pu placer le lecteur en position de voyeur. Et c'est là toute la force et la beauté de ce texte : Delphine de Vigan adopte la juste distance pour aborder ce qui la touche de si près. Sans complaisance dans la révélation de l'histoire familiale, sans sensiblerie mais avec beaucoup d'empathie, avec la volonté de comprendre, elle déroule son récit sur le fil, toujours au plus près de l'émotion.
Marcel Theroux. Trad. de l'anglais
Plon, 240 pages, 23.70 €
Eric Reinhart
Stock, 522 pages, 25.25 €
David est maître d'oeuvre sur le chantier de la plus haute tour de France. Victoria est directrice des ressources humaines d'une multinationale basée à Londres. Ils se rencontrent et vont vivre une passion amoureuse qu'on sait dès le début destructrice. Il s'agit pour l'un et pour l'autre d'adultère, d'une liaison fortement érotique mais aussi épistolaire : Victoria tient un journal intime dont elle envoie des extraits à David par mail sous l'intitulé "compte-rendu de réunion". Elle est une figure de l'ultralibéralisme : elle gagne énormément d'argent, passe sa vie entre deux avions, prend l'Eurostar pour passer une heure de temps avec David dans un hôtel parisien. Elle n'a aucun scrupule à tromper totalement les syndicats de la multinationale en disant blanc un jour et noir le lendemain, laissant aisément de côté les conséquences humaines des décisions prises d'en haut. David, lui, est plutôt un idéaliste de gauche, rongé par les remords. Fasciné, irrémédiablement attiré, David succombe à son désir et aux fantasmes les plus fous de Victoria, mais jamais l'âme en paix. Roman d'aujourd'hui, Le système Victoria est subtilement construit, de retours en arrière en bonds en avant. Puissant roman d'amour, résolument érotique, il est aussi éminemment politique, Eric Reinhardt y défendant, au final, la position du faible.
Philip Roth. Trad. de l'américain.
Gallimard, 121 pages, 13.90 €
Le dernier roman de Philip Roth, Le rabaissement, se joue en trois actes, la chute, la renaissance, l'effondrement de Simon Axler, comédien de renom, arrivé à soixante ans passés au fait de son talent, de sa gloire et de sa vie. Quand l'inspiration le quitte, Simon sombre. De dépression en hôpital psychiatrique, il finit par s'isoler à la campagne, résigné et renonçant à tout engagement. Mais c'est sans compter sur la vie et ses sursauts dont, dans un dernier espoir, on se fait volontiers dupe. Débarque en effet chez Simon, Peggen, de vingt-cinq ans sa cadette, fille d'amis de jeunesse et surtout lesbienne. L'idylle aussi surprenante qu'inattendue réveille notre héros, l'encourage lui, l'acteur en fin de course, à endosser le rôle de Pygmalion de l'hétérosexualité, au point d'ouvrir un avenir là où Simon ne voyait plus d'horizon. Hélas, sans préambule, comme elle était arrivée, Peggen s'en va. Humilié, effondré, on voit alors Simon choisir sa dernière scène.
Un roman aussi drôle que tragique où dérison et désolation s'épousent dans un baiser au goût acide.