Emilie Desvaux
Editeur : Rivages Réserver ou commander
La Gaijin House, minable pension de famille dans un vieux quartier de Tokyo n’héberge que des étrangers, la plupart étant des jeunes gens un peu flottants, entre deux vies, fuyant le réel et la vie trop crue. Ayant abandonné leur passé, cherchant leur voie (parfois au sens propre) dans ville, ces esseulés vont créer une communauté fragile. Empreint d’une douce étrangeté, un roman d’apprentissage inattendu,dans un Japon loin des clichés.
Coup de coeur de Sophie.
Sandra de Vivies
Editeur : Cambourakis Réserver ou commander
Une femme, la narratrice, trouve sur un marché à Berlin, une boîte de négatifs. Elle va les observer, les scruter, les fictionnaliser et à travers eux guetter les signes qui permettraient de les saisir. Celle qui a pris ces photos, cette femme du lac dont elle croit apercevoir la silhouette n’aurait-elle pas grandi sous le régime nazi ? Les clichés ne représenteraient-ils pas une idéologie de la normalité, questionnante et questionnable, et intrinsèquement tout refus de la différence ?
D’une voix qui perturbe et fascine, à la croisée entre récit, poésie, essai, Sandra de Vivies livre dans « La femme du lac » un texte unique, hybride, d’une rare exigence littéraire. C’est une plongée dans l’effervescence muette des apparences, dans les zones obscures de l’inconscient social et historique. Elle sonde les cryptes des images latentes, révèle ou imagine le non-dit ou l’envers de l’attendu. Surtout elle pose un regard poétique, historique, sensible et en cela rebelle dans le champ littéraire actuel. Elle s’attache à la face spectrale des codes mentaux légués par l’Histoire, qui nous gouvernent sans doute, tout en s’interrogeant sur sa propre identité. Celle de la peur, de ses carcans. Comment atteindre l’autre, comment parler, comment s’exposer ?
C’est un beau travail d’archives sensorielles que nous livre ici l’autrice. Composés de mouvements référentiels constants, « La femme de lac » est en même temps un grand poème ( la façon, par exemple, dont elle utilise la ponctuation - la non utilisation des virgules par exemple) qui casse les codes et passe par des montages à la fois savants et audacieux - presque transgressifs. Sur les spectres intimes et historiques, sur le danger et la beauté des cachettes, sur la psychiatrie, ses horreurs, « La femme de lac » interroge d’une manière tout à fait inédite l’invisible, les fractures, les trouées.
Un coup de coeur de Marie.
Ann-Helén Laestadius
Traduit du suédois par Anna Postel
Editeur : Robert Laffont Réserver ou commander
Dans les années 1950 , les enfants des Samis, peuple autochtone d'éleveurs de rennes installé dans le nord de la Suède, sont contraints de quitter leurs parents et leur village pour intégrer une école pour nomades où tout est mis en œuvre pour les couper de leur langue, de leur culture, de leurs traditions... Else-Maj, Jon-Ante, Marge, Anne-Risten, Nilsa et bien d’autres enfants âgés d’à peine sept ans se retrouvent dans un internat tenu de main de fer par une directrice bien décidée à en faire de vrais citoyens suédois. Interdiction de parler sami, brimades constantes, punitions corporelles, les conditions de vie sont effroyables. Trente ans plus tard, ces gamins devenus adultes tentent de se construire un avenir, tiraillés entre le désir de renouer avec leurs racines et la difficile intégration dans une société où le racisme anti-lapon est bien ancré. Une roman bouleversant sur une réalité méconnue.
Philippe Forest
Editeur : Gallimard Réserver ou commander
« Toujours, le temps rattrape ceux qui ont cru lui échapper. L’âge importe peu. Jeune ou vieux, quand l’hiver est venu, l’hiver de l’esprit, celui qui ensommeille la vie, on se dit malgré tout qu’un jour ou l’autre reviendra le printemps. C’est lui que le jeune peintre attend. Comme je l’attends aussi. Souvent on passe sa vie à l’attendre. Aussi jeune ou aussi vieux que l’on soit. Jusqu’à la fin. C’est lui qu’espère toujours quiconque veut croire que, un jour ou l’autre, commencera ou recommencera sa vie. »
Dans « Et personne ne sait », le narrateur nous raconte, en se souvenant d’un livre puis d’un film, la rencontre entre un peintre et une enfant seule. Le peintre ne croit plus en son art, ou peut-être encore un peu, il ne sait plus. Une nuit d’hiver, c’est presque Noël, il croise une petite fille de six ans. Qui, au fil de ses différentes apparitions, grandira à chaque fois jusqu’à devenir jeune femme. Tout est étrange, tout est possible et de leurs rencontres vont naitre des portraits toujours plus beaux et mystérieux.
C’est un livre sur les frontières, entre le rêve et le réel, entre le dedans et le dehors, entre le passé et le présent, entre la mort et peut-être l’éternité. A quel moment, tout près de la mort ou tout près de la vie, se dit-on que tout peut finir et que tout peut recommencer ? L’écriture y est feutrée, elle nous chuchote sa beauté, la douceur familière des images ou des histoires. C’est un roman qui rappelle la splendeur des livres pour enfants ou des contes de Noël, l’émerveillement, le vertige, les moments de bascule où après avoir perdu son chemin, tout réapparait, tout renait.
Il y a la lumière singulière de l’hiver, New-York sous la neige, la beauté des tableaux inventoriés au fil des pages, et la douceur de lire un conte qu’on nous chuchoterait avant que la nuit tombe. Pour entrer dans le noir sans avoir peur. Splendeur.