Pour cette désormais très importante rentrée de janvier (498 nouveautés), les éditeurs nous ont réservé quelques poids lourds incontournables.
Paul Auster publie 4321, un gros pavé foisonnant, passionnant, dense, sur la valse des possibilités, les bifurcations que peuvent emprunter l'existence. On y retrouve les thèmes chers à l'auteur, et son sens de la narration qui trouve tout son accomplissement dans ces quelques mille pages à lire.
Pierre Lemaître poursuit sa fresque commencée avec Au revoir là-haut. Avec Couleurs de l'incendie, il nous tient à nouveau en haleine grâce à cette histoire de vengeance, d'ambition, de scandales financiers, durant les années tourbillonnantes qui annoncent la crise de 1928.
L'enfant perdue, quatrième et dernier volume de la saga d'Elena Ferrante : ici se clôt la grande histoire d'amitié essentielle, de rivalité, de tension de Lila et Elena. Un final d'une grande beauté.
Mais citons encore : Delphine de Vigan, Arundhati Roy, Olivier Bourdeaut (l'auteur d'En attendant Bojangles), Philippe Delerm, Louise Erdrich, Jérôme Garcin, Elif Shafak,...
Et dans les auteurs à découvrir, voici nos premiers coups de coeur!
Un autre Brooklyn de Jacqueline Woodson : "August, Sylvia, Angela et Gigi sont quatre adolescentes, quatre amies inséparables qui arpentent les rues de Brooklyn des années 1970, se rêvant un présent différent et un futur hors du commun. Mais un autre Brooklyn, où le danger rôde à chaque coin de rue, menace les espoirs et les promesses de ces jeunes filles aux dernières heures de l'enfance." (note de l'éditeur)
Le serpent de l'Essex de Sarah Perry : une jeune veuve, passionnée de paléontologie, s'installe avec son fils et sa nourrice dans un petit village de l'Essex, qui n'a rien de remarquable si ce n'est son rivage riche en fossiles et la rumeur qui y bruisse selon laquelle aurait ressurgi un monstre marin aux allures de dragon qui provoquerait toutes sortes de phénomènes néfastes. Le pasteur du lieu tente de faire revenir ses fidèles à la raison. C'est là que Cora va reconstruire sa liberté. Un roman au charme victorien, peuplé de personnages fantasques et délicieux.
L'année de l'Education sentimentale de Dominique Barberis : trois anciennes amies de fac se retrouvent le temps d'une soirée dans la maison à la campagne de l'une d'elles. Ensemble, à l'époque, elles avaient suivi un cours sur L'éducation sentimentale de Flaubert. La soirée est lourde, il fait très chaud, l'orage menace. Elles ressortent quelques vieux souvenirs, parlent un peu des années qui ont passé, d'aujourd'hui. Par petites brides, sans avoir l'air d'y toucher, Dominique Barberis fait ressortir l'angoisse sourde de la vie.
Le 7 décembre, le prix Rossel a été attribué à Laurent Demoulin pour son titre Robinson, paru chez Gallimard!
Ce livre est une magnifique histoire d'amour entre un père et son fils. Robinson est autiste, Robinson est une île, vit dans l'immédiat, n'a pas accès au langage et c'est son père- universitaire, amoureux de la langue et poète- qui met des mots délicats, tendres , drôles, autour de ce fils qui lui n'en possède pas. À travers différentes scènes où l'on suit Robinson au magasin, à la piscine, jetant ses jouets par la fenêtre ou se recouvrant joyeusement d'excréments, Laurent Demoulin réussit à nous faire voir cette étrangeté autrement, dans un équilibre subtil entre poésie et humour, tragique et farce, toujours avec pudeur et dignité, et beaucoup beaucoup de tendresse.
Les autres finalistes du prix Rossel sont loin d'avoir démérité:
Rosa, de Marcel Sel (Onlit editions) est une belle, émouvante et passionnante histoire familiale qui nous transporte de l'Italie fasciste à la Belgique d'aujourd'hui, questionnant la filiation et les incohérences de l'histoire.
Un monde sur mesure de Nathalie Skowronek (Grasset) : C'est réellement tout un monde qui apparaît sous la plume de Nathalie Skowronek, celui des tailleurs juifs, de la confection, du magasin de vêtement qui était tout l'univers de ses grands-parents maternels et paternels, des juifs rescapés de la Shoah,un univers qui allait peu à peu disparaitre.
Une dose de douleur nécessaire, de Victoire de Changy (Autrement) : Elégante, elliptique, habitée par une puissance sourde, telle est l'écriture de Victoire de Changy pour évoquer cette histoire d'amour passionnelle, où l'on sent poindre la folie.
Le goût de la limace, de Zoé Derleyn (Quadrature) : un remarquable de nouvelles, surprenantes,à la fois intimes et narratives. À découvrir!
En cette fin d'année, voici notre sélection en littérature!
Jeu blanc, de Robert Wagamase, trad. de l'anglais, Zoé, 253 p., 20€90
Orphelin à 8 ans, le jeune Saul Indian Horse, indien ojibwé, est envoyé dans un internat où les blancs s'emploient à gommer toute trace de son indianité. Il y trouvera néanmoins un échappatoire dans la pratique du hockey. Un magnifique roman d'espoir et de rédemption, inspiré de la propre histoire de l'auteur, qui est aussi un hommage à la richesse de la culture indienne et à la beauté de la nature.
Le jour d'avant, de Sorj Chalandon. Grasset, 330 p., 23€45
Jojo est mort en 1974, dans l'explosion suite au coup de grisou dans la mine de L.... Quarante ans plus tard, son frère Michel n'a pas oublié et veut se venger des coupables impunis. Avec son regard empreint d'humanisme et d'empathie pour ses personnages, S. Chalandon parvient à nouveau à nous bouleverser avec le le récit de ce drame humain.
Les fantômes du vieux pays, de Nathan Hill, trad. de l'anglais, Gallimard, 707 p., 25€
Samuel, abandonné par sa mère à l'âge de 11 ans, découvre par hasard, bien des années plus tard, dans la rubrique fait divers, que celle-ci vient d'agresser un gouverneur, candidat à la présidentielle. Pour cet homme peu affirmé, solitaire, c'est peut-être le moment de comprendre son histoire familiale. Un grand roman américain, ample et maîtrisé, par un jeune auteur qui n'hésite pas à brasser l'histoire et la société des Etats-Unis des cinquante dernières années. Un coup de maître. Passionnant.
L'art de perdre, d'Alice Zeniter. Flammarion, 506 p., 22€
Une fresque captivante qui retrace le destin sur trois générations d'une famille kabyle de la guerre d'Algérie à nos jours. Comme à l'accoutumée, le Goncourt des lycéens couronne un roman, à la fois passionnant à lire et riche en questionnement sur l'Histoire, le poids du passé, l'héritage familial, à travers de très très beaux personnages.
Les derniers jours de l'émerveillement, de Graham Moore, trad. de l'anglais, Cherche Midi, 543 p., 24.95€
L'histoire la la course folle à l'électrification des villes, dans un récit plein de péripéties qui voit s'affronter deux inventeurs de génie, Edison et Westinghouse, et où se mêlent un jeune avocat ambitieux et le génial Nikola Tesla. Basé sur des solides recherches historiques, ce roman se dévore comme un thriller.
Sucre noir, de Miguel Bonnefoy. Rivages, 207 p., 19.50€
Les explorateurs se succèdent dans ce petit village des Caraïbes, à la recherche d'un supposé trésor du capitaine Morgan , dont le navire aurait échoué dans les environs trois siècles plus tôt. Ils y croisent Serena Otero, héritière d'une plantation de canne à sucre et gardienne de la recette d'un rhum exceptionnel. Un roman d'aventures sensuel et flamboyant, à l'imaginaire baroque et exotique, servi par une plume inventive. Une découverte.
Maharajah, de M. J. Carter. Trad. de l'anglais, 470 p., 25.95€
Formidable roman d'aventures, avec moultes péripéties, mystères et complots, et une belle galerie de personnages bien campés, dans l'Inde des maharajas, de la compagnie des Indes, et des peuplades aux moeurs étranges. Suspense et exotisme au rendez-vous.
Summer, de Monica Sabolo. Lattès, 316 p., 21€30
Summer, 19 ans,jeune fille radieuse de la grande bourgeoisie genevoise, disparaît inexplicablement lors d'un pique-nique au bord du lac Léman. Vingt-quatre ans plus tard, son frère reste hanté par cette absence. Mais la chape de silence dans ce milieu pèse terriblement.
A la lisière du thriller et du récit poétique, un roman magnifiquement écrit, à l'atmosphère mystérieuse et magnétique proche d'une Laura Kasishke.
Bakhita, de Véronique Olmi. Albin Michel, 456 p., 25.70€
Née au Darfour, au milieu du XIXème siècle, elle a connu l'esclavage à l'âge de 7 ans. Elle passera de maître en maître avant d'être rachetée par le consul d'Italie. Affranchie, elle deviendra religieuse, sainte, et aura traversé bien des épreuves.
Avec une grande force d'évocation, V. Olmi restitue la destinée exceptionelle d'une femme exceptionelle.
Ör, d'Audur Ava, Olafsdottir, trad. de l'islandais, Zulma, 235 p., 19€
Avec sa délicatesse, sa feinte simplicité et son humour habituels, l'auteur de "Rosa Candida" retrace le destin d'un homme décidé à en finir avec l'existence et qui retrouve au contact d'autres personnes un sens à sa vie.
Parmi les nombreux prix littéraires décernés en ce mois de novembre nous avons beaucoup aimé...
- Tiens ferme ta couronne de Yannick Haenel (prix Médicis): Un livre introspectif et politique autour d'un vrai personnage de loser comme on les aime où l'on croise Michaël Cimino, Isabelle Huppert, un chien nomme Sabbat et le sosie de Macron en maître d'hôtel.
- Les huit montagnes de Paolo Cognetti (Prix Médicis étranger): Un hymne à la haute montagne et une écriture poétique.
- L'ordre du jour d'Éric Vuillard (prix Goncourt) : Récit puissant sur la compromission des industriels allemands dans la montée du parti nazi, et sur l'annexion de l'Autriche par Hitler. À travers des scènes vérdiques et méconnues, Éric Vuillard nous montre, de sa plume tranchante et ironique, comment les grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas.
- La disparition de Joseph Mengele d'Olivier Guez (prix Renaudot) : De 1949 à sa mort mystérieuse en 1979, Mengele, « l’ange de la mort », a vécu en Argentine, au Paraguay et puis au Brésil. Comment a-t-il pu échapper si longtemps à ses poursuivants ? L’auteur mène l’enquête dans un récit sobre, précis, interpellant
- Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro (prix Nobel): Une fiction décrivant les dérives d'un monde à deux vitesses où il est question d'immortalité et de clonage.
Et nous réjouissons de lire :
- Le dossier M de Grégoire Bouillier (prix Décembre) : Un livre ambitieux sur le fiasco amoureux écrit avec beaucoup d’humour.
- Mécanique du Chaos de Daniel Rondeau : Où de nombreux sujets d’actualité comme le terrorisme, l’immigration, l’argent sale se mêlent à la fiction.
- La serpe de Philippe Jaenada (prix Fémina) : Une enquête autour de l’affaire Henri Girard non résolue à ce jour.
- Écrire pour sauver une vie de John Edgar Wideman (Prix Fémina étranger): Une dénonciation du crime raciste.