Chantal Creusot
Zulma, 390 pages, 22€
De la Grande Guerre jusqu'aux années cinquante en passant par l'Occupation, on suit le destin de quelques familles bourgeoises d'une petite ville du Cotentin, les Vuillard, les Lamaury, les Laribière, ...Ils sont juges, médecins ou encore avocats. Ils se fréquentent , se réunissent, se marient, se jugent, s'envient, se rebellent, se désirent, se trahissent. Toutes les passions, désillusions, hypocrisies humaines y sont disséquées, d'une écriture dont le cynisme le cède à la délicatesse.
Chantal Creusot brosse un magnifique portrait de la vie en province, dans une composition remarquable, désenchantée, nostalgique, vibrante.
Louis Wolfson
Ma mère musicienne, est morte de maladie maligne à minuit, mardi à mercredi, au milieu du mois de mai mill977 au mouroir Memorial à Manhattan.
(ed. Attila, 19 euro)
L'auteur du Schizo et les langues, ouvrage salué par Queneau, Deleuze, Le Clézio, ... raconte ici la chronique d’une mort maternelle. Il fait le récit d’un marginal qui doit simultanément faire face à la mort de sa mère et à la fin d’une tutelle d’un demi siècle. Ce qui ne pourrait être qu'un récit de vie, un témoignage, devient une oeuvre importante par l'utilisation que Louis Wolfson fait de la langue.
Une langue qu'il brise, casse, passe à la moulinette de ses obsessions. Le français est pour lui une langue d'émancipation qui lui permet d'échapper à la langue maternelle.
L'auteur, installé à Porto Rico est devenu millionnaire en 2003 en gagnant à une loterie électronique. Il est relativement riche, attend la fin du monde et écrit toujours.
Marta Morazzoni. Trad. de l'italien.
Actes Sud, 300 pages, 22.50 €
Milan au XVIIIème siècle. Paola Pietra, jeune aristocrate, est enfermée contre son gré dans un couvent dès l'âge de treize ans. Soeur Rosalba, une religieuse mélomane et maitresse de chant, décèle en elle une magnifique voix de contralto, profonde et puissante, qui attire rapidement les foules venues l'écouter aux offices.. Et c'est cette voix d'or qui séduira un diplomate anglais, assistant à l'office de l'autre côté des grilles. Suite à un infime contact pendant un malaise de la jeune fille où John Breval entrevoit sa cheville, Paola s'éveille à d'autres sensations et découvrira un autre monde, et sa liberté.
Un très beau roman où, comme dans le chant, les voix alternent et se répondent. Marta Morazzoni, de sa plume élégante et sensuelle, pose la question du choix, sentimental, politique et religieux. C'est à la fois profond et romanesque.
Frédéric Worms est professeur de philosophie à Lille et à Paris (ENS). Il est spécialiste de Bergson. Et il signe un des ouvrages les plus stimulants de ces derniers mois : Revivre (ed. Flammarion). Pourquoi stimulant ? Car au lieu de nous servir un nouveau discours sur le bien-être, il nous propose un art de vivre ; non pas celui qui va nous faire porter bien ; mais mieux.
Revivre c'est renaître, mais c'est aussi voir resurgir « un passé qui ne passe pas ».
C'est à partir de cette double expérience que Frédéric Worms pense et nous invite à penser.
« un art de vivre, c'est-à-dire de revivre, qui pourrait bien être le seul possible aujourd'hui. »