À Vancouver, en 1991, Ai-ming, jeune femme fuyant les répressions suite au soulèvement de la place Tian'anmen, est accueillie chez Marie, 10 ans, et sa mère. Entre elles se noue un lien très fort. En discutant avec Ai-ming, Marie se rend compte des liens qui unissent leur famille et que connaitre leur histoire commune pourra lui en apprendre plus sur son père qu'elle a peu connu. Des années plus tard, Marie se lancera dans cette quête de vérité. L'on remonte alors au temps de la Révolution culturelle quand leur deux familles étaient très liées. Jiang Kai, le père de Marie, était un pianiste célèbre tandis que son ami, le père de Ai-ming, se consacrait à la composition. Mais à l'ère du "Grand Bond en avant", la musique est une activité bien trop égoïste donc bourgeoise pour ne pas être réprimée...
Ce roman ressemble à un grand fleuve profond, puissant, plein de méandres, dans lequel il faut se laisser emporter, sans trop chercher à en maîtriser le cours. Il y a d'abord tous ces personnages modestes et attachants aux noms fleuris - Ours volant, Oiseau du silence, Ai-ming, Ba-luth, Pinson, Grand-mère Couteau, leurs vies mouvementées, entrelacées, soumises à la brutalité d'un régime autocratique. Il y a cinquante d'histoire chinoise, de la Révolution culturelle aux manifestations de la place Tian'anmen, cinquante ans pendant lesquels, sous prétexte de créer un Homme Nouveau, le régime brise les êtres, crée le malheur et les cataclysmes. Il y a la musique qui traverse tout le roman, avec une extrême érudition; la musique, cette passion qui anime tous les personnages, les fait vibrer et rester humains, et que pourtant ils ne peuvent vivre pleinement. Il est aussi question d'un manuscrit Le livre des traces, que l'on se passe de génération en génération, qui semble renfermer mille vies, fictives ou réelles, dont on sème des copies pour laisser des messages destinés aux amis partis aux camps de rééducation. Il y a de l'humour, de l'amertume aussi, du lyrisme et de l'effroi.
Madeleine Thien tisse une toile vibrante entre l'intime et le grande Histoire dans cette vertigineuse quête des origines, questionnant aussi bien le pouvoir de la musique, la force de la mémoire, la soif de liberté, que la cruauté du destin, les racines familiales, la résilience, le tout d'une écriture fluide, poétique, mélodique.
Danya Kukafka, trad. de l'anglais
Sonatine, 340 pages, 22€80
Qui a tué Lucinda Hayes, lycéenne charismatique, aimée de ses professeurs et de ses camarades ? Les récits de trois personnages viennent nous éclairer sur les dernières journées de l'adolescente. Ainsi, trois proches de la victime se font entendre : Cameron, son voisin, un adolecent perturbé, obsédé par Lucinda, Jade, une jeune fille au comportement étrange, jalouse de son ancienne amie et Russ, un flic désabusé, dont le beau-frère est l'un des principaux suspects. L'alternance de ces trois voix brosse le portrait d'une petite ville du Colorado où le mal peut surgir de l'inattendu.
Les librairies Initiales ont dévoilé le lauréat du Prix Mémorable 2019 !
Cette année, La peau dure de Raymond Guérin (éditions Finitude),
gros coup de coeur de notre équipe, a été primé par les libraires de notre groupement.
Nous empruntons ici un texte à nos amis de la librairie Lucioles afin de vous le présenter : "Les romans de Raymond Guérin font de lui comme il l'a dit lui même l'humble serviteur de la condition humaine. Il a mis sa plume lumineuse, réaliste, souvent très ironique au service des gens de peu, des laissés pour compte de la société. La peau dure est un texte bref, âpre, puissant, une pierre lancée dans la mare du patriarcat français d'après-guerre. Les héroïnes de ce roman sont trois sœurs, malmenées, fragiles et fortes aussi qui doivent affronter avec leur seul courage la violence des hommes, la violence de l'institution, le poids d'une morale misogyne et phallocrate.ÂÂ Ce livre écrit en 1948 est brûlant d'actualité, c'est un ouvrage nécessaire face aux coups de boutoirs de la pensée réactionnaire."
Laurie Gwen Shapiro, trad. de l'anglais
Paulsen, 296 pages, 22€50
Le moins que l'on puisse dire c'est que Billy Gawronski avait de la suite dans les idées ! Ce jeune garçon de 17 ans, fils d'un immigré polonais, grandit à New York au début du XXe siècle. Son père, entrepreneur dans la décoration d'intérieur, rêve d'ajouter "& Fils" à la devanture de son magasin dès que son fils unique aura terminé ses études. Mais le jeune Billy a d'autres projets en tête. Depuis plusieurs mois il s'intéresse plus à son album renfermant des coupures de presse qu'à ses cours de fin de secondaire. Ce qu'il collectionne dans cet album ce sont tous les articles concernant la future expédition de l'amiral Byrd en Antarctique. En 1928, ce projet est sur toutes les lèvres. Byrd sera le premier homme à survoler le Pôle Sud! L'expédition se prépare pendant des mois. Elle durera 2 ans et inclura un hivernage d'une partie de l'équipage. Billy n'a qu'une obsession : participer à l'aventure. Comme des milliers de jeunes (et moins jeunes) Américains, il écrit à l'amiral, pose sa candidature et tente par tous les moyens d'intégrer l'équipage, en vain. Mais le gamin ne se laisse pas démonter et c'est en passager clandestin qu'il réussira l'exploit de rallier l'Antarctique. Portrait d'un jeune homme plein de ressources, récit des aventures d'un explorateur ambitieux, Passager Clandestin nous plonge aussi dans l'Amérique d'avant et d'après la crise de 1929.