« Toujours, le temps rattrape ceux qui ont cru lui échapper. L’âge importe peu. Jeune ou vieux, quand l’hiver est venu, l’hiver de l’esprit, celui qui ensommeille la vie, on se dit malgré tout qu’un jour ou l’autre reviendra le printemps. C’est lui que le jeune peintre attend. Comme je l’attends aussi. Souvent on passe sa vie à l’attendre. Aussi jeune ou aussi vieux que l’on soit. Jusqu’à la fin. C’est lui qu’espère toujours quiconque veut croire que, un jour ou l’autre, commencera ou recommencera sa vie. »
Dans « Et personne ne sait », le narrateur nous raconte, en se souvenant d’un livre puis d’un film, la rencontre entre un peintre et une enfant seule. Le peintre ne croit plus en son art, ou peut-être encore un peu, il ne sait plus. Une nuit d’hiver, c’est presque Noël, il croise une petite fille de six ans. Qui, au fil de ses différentes apparitions, grandira à chaque fois jusqu’à devenir jeune femme. Tout est étrange, tout est possible et de leurs rencontres vont naitre des portraits toujours plus beaux et mystérieux.
C’est un livre sur les frontières, entre le rêve et le réel, entre le dedans et le dehors, entre le passé et le présent, entre la mort et peut-être l’éternité. A quel moment, tout près de la mort ou tout près de la vie, se dit-on que tout peut finir et que tout peut recommencer ? L’écriture y est feutrée, elle nous chuchote sa beauté, la douceur familière des images ou des histoires. C’est un roman qui rappelle la splendeur des livres pour enfants ou des contes de Noël, l’émerveillement, le vertige, les moments de bascule où après avoir perdu son chemin, tout réapparait, tout renait.
Il y a la lumière singulière de l’hiver, New-York sous la neige, la beauté des tableaux inventoriés au fil des pages, et la douceur de lire un conte qu’on nous chuchoterait avant que la nuit tombe. Pour entrer dans le noir sans avoir peur. Splendeur.