Une femme, la narratrice, trouve sur un marché à Berlin, une boîte de négatifs. Elle va les observer, les scruter, les fictionnaliser et à travers eux guetter les signes qui permettraient de les saisir. Celle qui a pris ces photos, cette femme du lac dont elle croit apercevoir la silhouette n’aurait-elle pas grandi sous le régime nazi ? Les clichés ne représenteraient-ils pas une idéologie de la normalité, questionnante et questionnable, et intrinsèquement tout refus de la différence ?
D’une voix qui perturbe et fascine, à la croisée entre récit, poésie, essai, Sandra de Vivies livre dans « La femme du lac » un texte unique, hybride, d’une rare exigence littéraire. C’est une plongée dans l’effervescence muette des apparences, dans les zones obscures de l’inconscient social et historique. Elle sonde les cryptes des images latentes, révèle ou imagine le non-dit ou l’envers de l’attendu. Surtout elle pose un regard poétique, historique, sensible et en cela rebelle dans le champ littéraire actuel. Elle s’attache à la face spectrale des codes mentaux légués par l’Histoire, qui nous gouvernent sans doute, tout en s’interrogeant sur sa propre identité. Celle de la peur, de ses carcans. Comment atteindre l’autre, comment parler, comment s’exposer ?
C’est un beau travail d’archives sensorielles que nous livre ici l’autrice. Composés de mouvements référentiels constants, « La femme de lac » est en même temps un grand poème ( la façon, par exemple, dont elle utilise la ponctuation - la non utilisation des virgules par exemple) qui casse les codes et passe par des montages à la fois savants et audacieux - presque transgressifs. Sur les spectres intimes et historiques, sur le danger et la beauté des cachettes, sur la psychiatrie, ses horreurs, « La femme de lac » interroge d’une manière tout à fait inédite l’invisible, les fractures, les trouées.
Un coup de coeur de Marie.
La femme du lac
Sandra de Vivies
Editeur : Cambourakis Réserver ou commander