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Eliot Ruffel
Editeur : L'Olivier
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aprescaAlors je plonge, sans trop savoir où mais je vais les deux pieds en avant, inspire un bon coup et essaye de lui dire à demi-mot que je suis désolé, un pardon étouffé que d’abord elle entend pas, mais son visage interroge, veut que je répète. Pardon. Son visage interroge de nouveau parce que ni elle ni moi sommes capables de comprendre pourquoi j’ai posé ça entre nous, comprendre ce que ces excuses viennent faire ici, dégueulées sur la table au goûter un lundi après-midi. 

Lou et sa mère sont arrivés sur la côte normande il y a un an. Le jeune homme de 17 ans s’est lié d’amitié avec Max. Depuis, c’est l’été et chaque jour ou presque, Lou et Max (deux prénoms, trois lettres, comme pour marquer des existences qui à tout moment peuvent fuir) se rejoignent en fin d’après-midi pour se quitter au petit matin. La plage, les falaises, le toit d’un bunker : leur paysage, le décor, un plan presque fixe. Où sont les rêves, les projections, l’avenir ? Les deux jeunes hommes observent les ferrys quitter la ville pour l’Angleterre. Leur temps, c’est l’observation, les canettes de bières qui s’ouvrent et s’accumulent, la grande mâchoire de l’ennui, c’est surtout les silences entre eux, les vides qui disent tout. Lou et Max sont des taiseux, car les mots rendraient le réel trop réel et la lumière trop crue, parce qu’ils savent trop de choses : l’absence ou la violence des pères, les frères qui partent, les mères qui lèvent la tête ou prennent des coups. Comment s’endormir ? Comment ressentir ? Eliot Ruffel nous parle d’une jeunesse qui s’annihile tout en étant obligée d’être constamment sur le qui vive. Où un détail comme un match de foot, le tirage du loto, un cadeau, un souvenir, peut tout faire trembler ou marquer de bleu une peau qui n’a rien demandé. Dans « Après ça », la langue orale fait passer l’immense beauté des silences, des respirations qui s’accélèrent ou des sensations. Tout est entre les mots et les pages, c’est très beau. Et le coeur se serre quand, au détour d’une phrase, on apprend qu’un salon retrouve sa place dans une maison.