« Les hommes de votre espèce avancent toujours avec le soleil dans le dos. Ils croient que cette ombre élancée qui s’étale à leurs pieds, c’est eux. Les hommes marchent dans un costume trop grand qu’ils pensent être à leur taille. Et les femmes marchent toute leur vie sous un soleil de midi, implacable, qui les punaise à leur place. »
Le roman d’Alexandre Civico raconte l’histoire de Dolores Leal Mayor qui, après les meurtres en série de plusieurs hommes, est arrêtée puis incarcérée. Dans le but d’éviter un procès qui entérinerait son statut d’icône - une brèche a été ouverte et d’autres femmes laissent parler leur fureur en commettant les mêmes actes - un psychiatre, Antoine Petit, tout en perdition et dégoût de lui-même et du monde, est chargé d’établir son profil psychologique afin de la déclarer irresponsable.
Quelle puissante lecture que ce texte noir, nerveux, poétique et désenchanté. Parce qu’il interroge constamment la substance des luttes et des mensonges, la radicalité des actes, de nos déperditions, Alexandre Civico livre un splendide et surprenant roman, qui va bien au-delà de ce qu’on attend de lui, parce qu'il est politique, très subtil dans sa façon d’interroger, sous les latitudes de ses phrases rudes et poétiques, la domination, la stupeur, les luttes et les fureurs, l’égo devant les révolutions. Dans ce livre, les personnages ont une matière folle, d’abord, les corps, la peau, le sang qui afflue, les membres qui se raidissent dans le plaisir ou la mort, les corps hiver qui deviennent, durant quelques secondes, printemps, les ventres qu’on viole, qu’on perce, qu’on vide. L’esprit ensuite, tout à tour, cynique, menteur, dominant, dégoûté, manipulateur. Dolorès ou le ventre des chiens parle de notre société, de son rapport aux femmes, du rapport des femmes à la révolte, à ce qui surgit dans l’incompréhension et reste incompris, à ce qui se vit dans la manipulation ou les excès.
Éperdument amer, éperdument désenchanté, Dolores ou le ventre des chiens atteint dans la constante de son questionnement et de sa stupeur une profonde et fiévreuse beauté.
Dolores ou le ventre des chiens
Alexandre Civico
Editeur : Actes Sud Réserver ou commander