« Le deuil qui a suivi la mort de Thomas, une mort qui se poursuit heure après heure, combien de fois par jour Thomas meurt-il pour lui ? - le submerge. Tout en lui est en cours de destruction. Ou, plutôt, d’élimination. »
Chambres séparées, publié à l’origine en 1989 et qui reparaît aujourd’hui dans une nouvelle traduction de Vincent Raynaud, raconte l’histoire passionnée d’un amour entre Leo, écrivain de 30 ans, et Thomas, un jeune musicien de 25 ans. Ou pour être plus exact, le roman, construit comme une oeuvre musicale composée de trois mouvements qui glissent et s’entrecroisent, raconte l’Amour. Il dit la dimension oxymorique des sentiments et des émotions, la grandeur du désir, la peur qui étreint, le morcellement, les pleins et les vides. Le roman dit aussi, et surtout dès les premières pages, le deuil car Thomas se meurt. Durant plus de trois ans, Leo vivra tout entier dans ce deuil, douloureux et tragique parce que secret. Pier Vittorio Tondelli ne s’attarde pas sur la quotidienneté de cet amour et de sa finitude, mais il raconte superbement le flux des pensées, la traversée de la mélancolie entre les rives du tumulte et du vide, il dit le temps de l’amour dans le temps de la mort. Car la mort pulse et vit en Leo, qui fera ainsi l’expérience de la sacralité de l’humain. Il y a des pages superbes consacrées à la solitude, à l’expiation, au religieux, à l’abandon, à la dépossession parce qu’elles expriment une dimension, une matière. Même les quelques pages consacrées aux parents de Leo sont magnifiques. Leo, au fil des pages, se dévêt et décompose sa vie pour atteindre le corps nu de son identité. C’est très beau, très habité parce que tout est fin et noir, parce que chaque réflexion est étourdissante.