Alice s'installe dans un petit village côtier, Eileen n'a pas quitté Dublin depuis son emménagement à l'Université. Elles s'écrivent presque chaque jour et se racontent, s'interrogent, se confient...
Les lecteurs familiers de Conversations entre amis et Normal people retrouveront dans ce troisième roman les empreintes habituelles de l'univers de Sally Rooney – l’amour, l’amitié, l’ambivalence, l’incommunicabilité, le rapport à l’art ou à la création, des échos à ses romans antérieurs mais, cette fois-ci et c’est une des grandes qualités de ce livre, sous une forme plus radicale et aussi surtout avec une lucidité terrible et mélancolique, renouvelant les attendus romanesques pour dire ce monde en crise qui cherche inlassablement son identité et ses formes. Les longs mails échangés entre Alice et Eileen sont à ce titre particulièrement brillants. Maniant tout à la fois l’intime, l’esthétique, la philosophie, ou la politique, ces mails posent une question à la fois vitale et ordinaire : Comment vivre dans un monde devenu quasiment invivable, et ce, à tous niveaux : écologique, économique, éthique et émotionnel (les très belles pages sur ce monde hideux, le plastique, la classe ouvrière, la peinture, le communisme)? Son roman est lucide, subtil et sincère, il dit les existences incertaines, le désir impossible de beauté, les déceptions amères.
C’est quoi d’être né dans les années 90 et de vivre dans un monde renversé et brisé ? « Incapable de se rappeler comment elle avait imaginé sa vie. N’y avait-il pas eu un temps où ç’avait signifié quelque chose pour elle, de vivre, d’être en vie ? » ou « C’est malheureux qu’on soit toutes les deux nées au moment où le monde prenait fin ». Le roman n’affirme rien, il questionne et se confronte au langage, au vocable, il dit l’ordinaire, s’interroge sur la normalité, l’impermanence de la vie ou la recherche de l’inédit ( « Qu’est ce que ça ferait d’avoir une relation sans forme préétablie ? »).
Les lecteurs familiers de Conversations entre amis et Normal people retrouveront dans ce troisième roman les empreintes habituelles de l'univers de Sally Rooney – l’amour, l’amitié, l’ambivalence, l’incommunicabilité, le rapport à l’art ou à la création, des échos à ses romans antérieurs mais, cette fois-ci et c’est une des grandes qualités de ce livre, sous une forme plus radicale et aussi surtout avec une lucidité terrible et mélancolique, renouvelant les attendus romanesques pour dire ce monde en crise qui cherche inlassablement son identité et ses formes. Les longs mails échangés entre Alice et Eileen sont à ce titre particulièrement brillants. Maniant tout à la fois l’intime, l’esthétique, la philosophie, ou la politique, ces mails posent une question à la fois vitale et ordinaire : Comment vivre dans un monde devenu quasiment invivable, et ce, à tous niveaux : écologique, économique, éthique et émotionnel (les très belles pages sur ce monde hideux, le plastique, la classe ouvrière, la peinture, le communisme)? Son roman est lucide, subtil et sincère, il dit les existences incertaines, le désir impossible de beauté, les déceptions amères.
C’est quoi d’être né dans les années 90 et de vivre dans un monde renversé et brisé ? « Incapable de se rappeler comment elle avait imaginé sa vie. N’y avait-il pas eu un temps où ç’avait signifié quelque chose pour elle, de vivre, d’être en vie ? » ou « C’est malheureux qu’on soit toutes les deux nées au moment où le monde prenait fin ». Le roman n’affirme rien, il questionne et se confronte au langage, au vocable, il dit l’ordinaire, s’interroge sur la normalité, l’impermanence de la vie ou la recherche de l’inédit ( « Qu’est ce que ça ferait d’avoir une relation sans forme préétablie ? »).
Sally Rooney sculpte ses personnages, en particulier grâce à ses dialogues brillants, secs, nerveux, parfois sarcastiques. Ils ne sont pas là pour remplir la page, ils sont la narration même, ils serpentent, avancent, reculent, progressent et disent les doutes, l’anxiété, les ascendances, le pouvoir ou la domination. Elle réussit à capter les moments où deux êtres se disent des choses ordinaires et en même temps essentielles. Se dire, c’est tenter de se construire, s’enfermer, dans sa singularité, ou tenter de séduire l’autre, de le mener à soi. Il y a dans ses pages, une relation permanente à l’autre. C’est l’amitié bien sûr « Si tu n’étais pas mon amie, je ne saurais qui je suis » dit Eileen et l’amour aussi bien entendu. L’amour, l’amitié, c’est la construction de l’identité, semble dire Sally Rooney. C’est LA définition.
« Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » a écrit Stig Dagerman. Oui, sans doute, mais Sally Rooney propose l’amour et l’amitié.
Elle nous dit aussi qu’ils sont là, non pour nous guérir, mais pour nous consoler. « Alors, malgré tout, malgré l’état du monde tel qu’il est, l’humanité au bord de l’extinction, me voilà encore en train d’écrire un mail sur le sexe et l’amitié. Mais qu’y-a-t-il d’autre à vivre ? »
« Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » a écrit Stig Dagerman. Oui, sans doute, mais Sally Rooney propose l’amour et l’amitié.
Elle nous dit aussi qu’ils sont là, non pour nous guérir, mais pour nous consoler. « Alors, malgré tout, malgré l’état du monde tel qu’il est, l’humanité au bord de l’extinction, me voilà encore en train d’écrire un mail sur le sexe et l’amitié. Mais qu’y-a-t-il d’autre à vivre ? »
Un beau livre sur le monde et ses consolations.