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Nicole Krauss, trad. de l'anglais par Paule Guivarch
L'Olivier, 272 p., 22€50

etreunhommeTraversant les lieux (Les États-Unis, la Suisse, Israël, le Japon), le dernier ouvrage de Nicole Krauss, un recueil composé de dix nouvelles, se penche sur la manière dont nous sommes reliés aux autres, à notre solitude, à la famille et à l’Histoire.
« Endormie dans l’appartement de mon père. Je rêve qu’il y a quelqu’un à la porte. C’est lui, il a trois ans, quatre peut-être. Il pleure, j’ignore pourquoi, je sais seulement qu’il est horriblement déçu. J’essaie de le distraire en lui montrant un album rempli de magnifiques illustrations aux couleurs bien plus vives que dans la réalité. Il y jette un regard mais continue de pleurer. Dans ses yeux, je vois que tout est déjà décidé. Alors je le soulève et le promène sur ma hanche. Ce n’est pas facile mais c’est ainsi, parce qu’il est complètement bouleversé, ce minuscule père-enfant. » Comment vivons-nous avec le poids des souvenirs, même ceux qui ne nous appartiennent pas ? Comment fait-on pour s’opposer au passé, à son poids, à l’héritage ? Comment doit-on vivre ? Comment peut-on vivre ? Quelle est cette personne qu’on pensait connaître ? Pourquoi l’inconnu, l’inédit nous rappelle, malgré tout, quelque chose ? Un sentiment diffus, un mystère, une histoire ?
Dans « Je dors mais mon coeur veille », il y a cette femme qui voit s’installer dans l’ancien appartement de son père récemment disparu, un inconnu. Malgré l’incertitude, elle ne le chassera pas. Dans « En Suisse », la narratrice se rappelle son amitié avec une jeune fille aux désirs de fuite et d’interdit. Il faudra des années pour qu’elle ressente le bouleversement qu’un tel évènement a fait éclater en elle.
La naissance et la mort, la joie et le deuil, l’amour, les ruptures, chacun de ces thèmes animent ces nouvelles et Nicole Krauss leur donne une énergie, une grâce, une intériorité sans cesse renouvelées. C’est troublant de beauté et magistralement habité. Il faut voir comment l’autrice de Forêt obscure travaille l’ouverture et la conclusion de ses dix histoires. C’est un recueil de nouvelles mais c’est aussi, grâce à sa construction et son intelligence, un grand roman. Un livre d’âme. Partout, dans les mots et les silences. Quelque chose s’élève, hante et terrasse de la plus belle manière qui soit.
Comme dans « Voir Ershadi » ou une danseuse de ballet vit une véritable épiphanie après avoir regardé le film Le goût de la cerise où joue un acteur iranien, Ershadi. Le visage de ce comédien la poursuivra longtemps et la narratrice ne s’en remettra jamais, comme on ne se remet jamais d’un véritable amour….
Lire Nicole Krauss, c’est être convaincu que quelque chose s’est passé. Une vision, une profondeur, une réflexion. Il y a dans ses pages une exactitude, un accent, qui, après les avoir lues, ne laissent pas le lecteur tout à fait pareil à lui-même.