Le labyrinthe vers la liberté, Delia Sherman, éd. Helium
Louisianne, les années 60, Sophie a 13 ans et ne ressemble en rien à la jeune fille "bien comme il faut" que ça mère souhaiterait avoir. Cette année, elle passe ses vacances à Oak Cottage, la vieille plantation familiale maintenue dans une chape de plomb archaïque par sa grand-mère nostalgique où la jeune fille se sent mal à l'aise. Alors qu'elle trompe son ennui dans le vieux labyrinthe, une voix s'élève. Il s'agit d'une créature magique et pas très maligne qui envoie Sophie vivre une grande aventure mais pas celle que Sophie aurait pu espérer. La voilà revenue à Oak Cottage en 1860, à l'aube de la guerre de Sécession mais son hâle naturel et nez "Fairchild" lui valent la place de "mulatresse". Elle se retrouve donc esclave dédaignée de ses ancêtres blancs et enviée et moquée par les autres esclaves. A nouveau, Sophie n'a de place nulle part pourtant son attitude et son mutisme posent question et ne laissent personne indifférent à la plantation, ni d'ailleurs à la lecture. Elle vivra alors une aventure humaine sans précédent.
Avec quelques références à Autant en emporte le vent (mais comment l'éviter?), le roman bouscule en douceur nos repères et nos acquis. Que faire? Que dire? Comment accepter l'injustice? Quelle valeur peuvent bien avoir nos codes sociaux? C'est à partir de l'esclavage que l'héroïne interroge la ségrégation et affirme la richesse de la multiculturalité et de l'échange. Le roman dépeint une réalité dure mais avec des personnages tellement riches et nuancés qu'on se laisse aussi attendrir par le rythme et les paysages du Sud. Une lecture dont on ne peut que sortir grandi!
Love letters to the dead, Dellaira A. (Michel Lafon)
Laurel a quinze ans, elle rentre au lycée et sa première rédaction l'oblige à écrire à un personnage disparu. Elle choisit Kurt Cobain, icone grunge, car May l'adorait, car, comme cette grande soeur adorée, il est mort jeune. Laurel ne rendra jamais cette lettre mais en écrira d'autres tout au long de l'année à Kurt mais aussi à Janis Joplin, à Amy Winehouse, à River Phoenix, à Judy Garland...
Dans ce roman épistolaire d'un nouveau genre, l'on découvre les peines des amours contrariées, l'angoisse d'un avenir incertain et la difficulté de s'exprimer. Les icones anglosaxonnes sont autant d'échos au mal-être mais aussi aux espoirs de la jeune fille, autant de destins brisés qui peuvent comprendre que la vie de May n'était pas aussi féerique qu'elle le faisait croire, autant d'amis qui l'aident à avancer et s'ouvrir aux autres.
D'une lettre à l'autre, un présent pas vraiment rose révèle un passé plus sombre qu'il n'aurait dû. Pas de tape-à-l'oeil et pas d'images non jusitifiées, juste l'expression crue et sans fards d'adolescences où "je est un autre" à combattre et à apprivoiser. Le roman qui oscille entre tristesse et révolte est sans soute "la" pépite 2014 chez Michel Lafon. A lire dès 14 ans sur un air de guitare rythmique.
Carbosse, la légende des cinq Royaumes, Michel HONAKER, Flammarion
Alors que le fougueux Florestan affronte les Dongles, il trouve refuge chez l'étrange comte Vituperi perché dans le chateau des Monts Moroses. Le jeune prince y fait la rencontre de Cara, fille ainée du comte, aussi sombre que belle. Cette jeune magicienne est malheureusement affublée d'une terrible bosse qui l'ammène à servir Vent Mauvais. Si Cara tombe instantanément amoureuse, le prince choisira d'aimer Léonore, la cadette, douce et curieuse, qui se révèle rapidement aussi gentille que belle. Hélas, cet amour est voué à semer la désolation sur le royaume puisque Cara, en rejetant les liens du sang, maudit leur union ainsi que leur douce enfant Aurore. Une terrible malédiction dictée par une haine sans nom que la fée Lilas, fée voyageuse et raleuse, et le nain Trublion devront conjurer dans un monde où les princes se font rares et où la féerie déserte le coeur des hommes ainsi que les routes du royaumes.
Michel Honaker de sa si belle plume nous dresse le portrait de la fée maléfique Carabosse dans un paysage de conte de fées ravagé par la guerre et les passions. Nous nous aventurons dans le décor obscur de la Belle au Bois dormant et nous nous y perdons avec plaisir tant le conte est cruel et beau mais aussi actuel et universel.A lire dès 13 ans.
Adam et Thomas, Aharon Appelfeld, Medium, Ecole des loisirs
Pendant la seconde guerre mondiale, Adam et Thomas vivent dans un ghetto juïf. Séparément, ils ont été conduits par leurs mères dans la forêt proche. Elles veulent les préserver de la déportation imminente. Les deux enfants ont neuf ans, se connaissent sans être amis. Thomas est le bon élève de la classe, Adam le débrouillard, habité par la confiance que sa mère a en lui.
Durant plusieurs semaines, ils vont vivre et survivre dans cette forêt, apprendre, réfléchir, s'apprécier, être secourus et venir en aide à d'autres, fugitifs comme eux.
L'amitié, la force qu'ils acquièrent, la confiance en Mère Nature les mènent au bout d'une expérience de survie. Celle, sans doute, qui est au coeur de l'existence de ce grand écrivain qu'est Aharon Appelfeld.
Un livre fort, plein de sollicitudes et de sagesse à la hauteur d'enfants et d'adolescents grâce aux conversations incessantes, légères ou graves des deux héros. Avec, pour rendre tout cela plus sensible encore, les très belles illustrations de Philippe Dumas.